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Ainsi le parti socialiste unifié se solidarise avec la C. G. T. et poursuit « par tous les moyens » la propagande antimilitariste. Les discours et les articles des députés unifiés en témoignent quotidiennement. Lorsque est annoncé le maintien de la classe sous les drapeaux, c’est contre cette mesure que l’effort se concentre. M. Jaurès et ses amis préludent aux opérations en proclamant « l’illégalité » de la mesure qui impose aux soldats, en vertu de la loi de 1905, un effort supplémentaire. L’effet se manifeste peu de jours après la cause. Le 19 mai en effet, l’Humanité, poursuivant la publication de la correspondance avec les soldats, imprime une protestation ainsi conçue : « Je vous adresse la protestation d’une centaine de camarades de ma compagnie (c’est-à-dire presque la totalité), résolument adversaires du rétablissement des trois ans. Ils s'engagent, si cette loi est promulguée, à n’en tenir aucun compte et vous autorisent à faire de la présente tel usage qui vous semblera utile pour la chute d’un projet ne répondant en rien aux prétendues nécessités d’augmentation d’effectif. — Du 153e de ligne, à Toul. »

Or c’est les 17 et 18 qu’éclatent à Toul, et précisément au 153e, les incidens que l’on sait. En outre, circonstance non moins frappante, le général Pau, inspecteur d’armée, chargé de l’enquête, découvre à Toul un appel daté du 16 où l’on peut lire : « Camarade, vas-tu hésiter ? Non. Recours à la force et à l’illégalité. A demain soir. » L’appel distribué dans les casernes de Toul et la protestation publiée à Paris sont d’une suggestive unité de style. Dans plusieurs pages, — M. Albert Noël, député de Verdun, l’a exposé à la Chambre le 20 juin dernier, — on trouve d’ailleurs les brochures, tracts et appels des organisations anarchistes et syndicalistes. Et le général Pau déclare : « Nous ne sommes pas en présence d’une mutinerie militaire, mais d’un mouvement d’origine politique. »

Si l’on en doutait encore après avoir lu les textes et les faits qui précèdent, on en trouverait la preuve dans des événemens plus récens. La rébellion, incomplètement organisée au moment où a été publiée la nouvelle du maintien de la classe, on va la reprendre en main plus à loisir et la préparer pour le jour où la classe, au lieu d’être libérée, sera maintenue au corps. Les anarchistes, comme toujours, donnent le la, et M. Eugène Jacquemin écrit le 8 juin dans le Libertaire : « Vouloir maintenir la classe, c’est facile. Pouvoir le faire, c’est autre