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prêchant la révolte aux conscrits. Le trésorier de la C. G. T., M. Marck, l’annonce aux syndicats par une circulaire violemment antimilitariste où on lit : « La Voix du Peuple illustrée, qui paraîtra cette semaine, devra être mise entre les mains de tous les conscrits. Nous engageons instamment les Bourses du travail et les Syndicats à propager ce numéro spécial. » Rien de plus simple, si l’on se reporte aux instructions du Congrès de 1910 prescrivant aux secrétaires de tenir à jour les listes de conscrits.

L’organisation ainsi formée, mobilisée et éprouvée, se trouve donc prête à l’action, quand, en février 1913, on annonce le dépôt prochain d’un projet de loi établissant le service de trois ans. Le 25 février 1913, le Comité de la C. G. T. ordonne l’entrée en campagne et, le 25, désigne une commission spéciale, comprenant, outre son Bureau, MM. Bled, Gautier, Lenoir, Luquet, Ranty et Voirin. M. Jouhaux, secrétaire général, y propose un projet de manifeste qui paraît le 27 et dénonce « le chauvinisme idiot et le patriotisme intéressé. »

Le 4 mars, nouvel appel adressé non plus aux travailleurs, mais aux Unions de syndicats : car c’est par elles qu’on pourra atteindre les soldats dont elles possèdent la liste et les convaincre que les prétextes (augmentation de l’armée allemande de 180 000 hommes) sont « des prétextes faux. » L’Union des Syndicats de la Seine annonce le même jour» une manifestation syndicale monstre. » Le 9, sous le titre : « Un crime se prépare, » convocation pour le 16 au Pré Saint-Gervais. La Bourse du travail de Paris, officiellement reconnue et subventionnée, se solidarise avec l’Union des Syndicats. Le 9 mai, le Comité confédéral décide de « redoubler d’activité. » Il lance, en conséquence, un appel intitulé « Coup de force, » où il dit : « Au prix de beaucoup de sacrifices, nous sommes parvenus à affaiblir l’esprit militaire, » et il conclut : « A bas les trois ans ! »

Mais ce cri n’est pas poussé seulement dans les meetings. On a, n’est-il pas vrai ? le moyen de l’introduire dans les casernes et d’y préparer une sédition militaire grâce aux listes de syndiqués soigneusement récolées. Dès le 22 mars, l’Humanité rend compte de la propagande organisée. Elle se félicite de la « véhémence croissante » de la protestation. « La protestation devient chaque jour plus véhémente et plus forte. Dans les régimens, les protestataires affirment vigoureusement leur hostilité à la loi qui leur imposerait un an de rabiot et ils rendent