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pédantisme de ses qualités. C’est le professionnel de la volonté : on le guette à la première défaillance. Quand il se laisse, lui aussi, égarer par la passion, nous ne songeons pas, pour l’en plaindre, que cela est dans la logique de notre nature fertile en contradictions : pour être surhomme, on n’en est pas moins homme. Nous ne songeons qu’à le railler. Nous y prenons du plaisir. Notre veulerie s’amuse à compter les faiblesses des forts. Notre humilité se réjouit à voir les puissans humiliés ; puisqu’ils sont à terre, nous en profitons pour les piétiner un peu. Nous nous empressons d’attester qu’ils ne valent pas mieux que nous et qu’ils ont tort de nous faire la leçon. Ah ! nous ne les aimons pas. Quant à ceux de nos obligeans contemporains qui ont une fois commis l’imprudence de se sacrifier pour nous, ils doivent avoir su à quoi ils s’engageaient : nous ne leur pardonnerions pas de se décourager. C’est ici que la séance doit continuer...

La pièce de M. Guiches avait, au premier acte, beaucoup plu : on en avait aimé les jolis coins de satire ; à partir du second acte, elle a paru d’allure incertaine, et de plus en plus monotone et fatigante. Elle n’a pas été sauvée par l’interprétation. L’excellent artiste qu’est M. de Féraudy a joué le rôle de Richard en comédien consommé ; mais il n’est pas le personnage du rôle. Il a trop de bonhomie, trop de rondeur, trop de verve tout en dehors ; c’est un rôle qu’il eût fallu jouer eu dedans, à la manière qui fut jadis celle de Worms. Au contraire, j’ai trouvé M. Grand meilleur qu’à son ordinaire dans ce rôle de frénétique que reprend par momens sa frénésie. Mlle Sorel est une Laurence charmante et digne d’un meilleur sort.


Nous avions déjà beaucoup de Marie-Madeleine au théâtre : de tous les personnages du drame sacré, c’est celui qui, de nos jours, et je ne sais pour quelle cause, intéresse le plus dramaturges et musiciens. M. Maurice Maeterlinck a éprouvé le besoin d’en ajouter une à la collection. Il est poète et philosophe, et le poète et le philosophe s’unissent et fraternisent dans le symboliste. Sa poésie lui sert à exprimer sa philosophie en la voilant, comme il convient. C’est dans son œuvre qu’on a l’impression de cheminer à travers une forêt de symboles. Donc, soyons attentifs et, par delà les apparences, tâchons d’apercevoir d’obscures clartés...

Nous sommes à Béthanie où s’est retiré le riche Silanus : choix singulier, quand il y avait dans l’ancien monde romain tant d’endroits plus agréables ! Ce doux vieillard est un sage. Épicurien ou stoïcien ? L’un et l’autre. On sait que la différence entre les deux doctrines était