Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/925

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’alliance. La mésintelligence amènerait l’influence, peut-être l’intervention étrangère. La rencontre annoncée des quatre ministres dirigeans des Etats alliés est un heureux symptôme qui semble indiquer qu’ils comprennent l’avantage qu’ils trouveraient à résoudre entre eux leurs différends. Les populations de l’ancienne Turquie d’Europe étant trop mélangées pour qu’il soit possible de suivre, sans admettre d’exception, les préférences de chaque canton, de chaque village, ce serait une efficace garantie de paix et d’accord si les États balkaniques, y compris la Turquie et l’Albanie, s’engageaient les uns vis-à-vis des autres à donner des garanties religieuses, scolaires, « culturelles, » à toutes les populations appartenant à des races ou à des religions différentes de celle de la majorité. Il appartiendrait aux amis des peuples balkaniques de prendre l’initiative de proposer à leur acceptation des engagemens réciproques de cette nature : ils auraient un grand effet d’apaisement, de pacification. La prospérité, qui va se développer très rapidement dans l’ancienne Turquie par les œuvres de la paix, aura bientôt achevé d’atténuer les rancunes et d’apaiser les rivalités.

Les peuples balkaniques sont à une heure décisive de leur histoire ; les voies dans lesquelles ils vont entrer seront, pour eux, celles de l’avenir. Ils ont à choisir entre deux politiques, Ou une politique d’équilibre balkanique qui séparerait les États naguère alliés en deux ou plusieurs groupes qui, pour se faire contrepoids, seraient naturellement amenés à chercher des soutiens au dehors ; et c’est ainsi qu’on voit déjà se dessiner une entente entre la Grèce et la Serbie, à laquelle viendrait s’agréger la Roumanie, et qui trouverait un appui en Italie. Une telle combinaison obligerait la Bulgarie à chercher un accord avec l’Autriche et l’Albanie. La Turquie, dans cet imbroglio, reprendrait barre sur ses vainqueurs. Une politique d’équilibre balkanique, ce serait l’immixtion nécessaire de l’Europe, l’impuissance à l’extérieur et la stagnation interne pour chacun des petits États ; au lieu de constituer une grande Puissance collective, ils deviendraient le champ clos où se heurteraient les ambitions européennes ; ils se feraient la guerre jusqu’à ce que l’un d’eux eût imposé aux autres, selon la formule bismarckienne, sa suprématie par le fer et le feu. Si ce n’est pas cette politique-là que souhaitent les peuples balkaniques, il ne reste que la politique d’entente, de confédération, dont il faut vouloir les moyens.