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par créer des sympathies et par abolir les rancunes historiques. L’héritage impérial de Byzance, avec sa domination sur toute la péninsule, serait, pour la Grèce d’aujourd’hui, un leurre dangereux ; l’héritage d’Athènes, d’une Athènes qui aurait su faire l’unité des Hellènes, s’offre à elle, et c’est un bel héritage.

Le Bulgare est un paysan et un soldat. On saura un jour les prodiges d’énergie, d’endurance, de stoïcisme, que tout le peuple bulgare a accomplis pendant la dernière campagne. Sans méconnaître les exploits de ses alliés, on peut dire que le vainqueur du Turc, c’est lui. Vainqueur par les armes, il le sera encore par la charrue ; avec sa ténacité proverbiale, il va conquérir à la culture les plaines que la paix lui assure ; prolifique, il va les coloniser, les peupler : dans vingt ans, on ne les reconnaîtra plus. Ses idées politiques sont simples, mais absolues : il ne rêve ni conquêtes lointaines, ni impérialisme ; mais il est résolu à réunir dans un même Etat tous les enfans de la race bulgare. S’il obtient ce qu’il demande dans le partage de la Turquie d’Europe, il aura atteint son but et, s’il lui reste une ambition, elle sera dirigée vers Sainte-Sophie, d’où l’Europe le tient éloigné. Il annexera par nécessité, parce qu’il faut avoir une façade sur la mer Egée, les côtes de la Thrace jusqu’au delà de Kavala, mais son cœur est en Macédoine avec ses frères slaves qu’il a voulu, avec toute sa foi et toute son énergie, délivrer. Il a la poigne dure et, parfois, le geste brutal ; s’il croyait que des Bulgares restent en dehors de la patrie bulgare, les faire rentrer au bercail deviendrait l’objet de son activité politique. La prudence de ses gouvernans lui a imposé la cession de Silistrie aux Roumains pour prix de leur neutralité, mais il en tiendra longtemps rigueur à ses voisins du Nord. On n’obtiendra pas sans peine de lui qu’il consente quelques concessions aux Serbes et il faudra, pour le lui demander, que le gouvernement du roi Ferdinand s’inspire des intérêts supérieurs de l’alliance avec les Slaves du Sud et risque même une impopularité momentanée. Plutôt que d’abandonner une partie importante de la Macédoine, le Bulgare ferait la guerre ; il a assez d’esprit pratique, cependant, pour se rendre compte que, une fois l’unité bulgare réalisée, la Bulgarie n’a plus d’avenir que dans une confédération balkanique.

Cette confédération, la Serbie en a besoin, elle aussi, elle