Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/922

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Orient, on est frappé de voir l’extension de l’hellénisme tout autour de l’Archipel. La mer et ses îles, ses ports, ses pointes et ses golfes, voilà le centre de la vie grecque. Comme au temps de la confédération athénienne, la puissance grecque est fondée sur la navigation, le commerce, la banque ; l’Hellène ne sera jamais un grand agriculteur. Il aime les lettres et les arts ; il est un agent de civilisation ; c’est le génie hellénique qui, de Byzance, a rayonné autrefois sur les peuples barbares, slaves ou mongoliques, attirés par son éclat, et qui les a apprivoisés. Toutefois, les Grecs ont rarement dominé par la force : souples, adroits, braves à la manière d’Ulysse, mais préférant, comme lui, l’éloquence ou la ruse, qui enlacent, à la force qui brise : tels ils ont toujours été, tels ils sont encore, hommes de mer, habitués à louvoyer au hasard des vents de l’Archipel, hommes des villes, amis des causeries subtiles et des fructueuses affaires. Tout autour de la mer Egée, ils habitent les ports et les côtes ; sauf dans la Grèce proprement dite et en Épire, ils ne s’étendent pas loin dans l’intérieur des terres, si ce n’est en colonies de marchands sporadiquement essaimées dans les villes. Si la liquidation actuelle leur donne toutes les îles, avec le grand port de Salonique, la péninsule Chalcidique et tout le pays hellène ou hellénisé en Epire et en Albanie, ils auront reçu un lot conforme aux aspirations de leur génie national et à leurs intérêts. Dans la partie de la Thrace qui reste turque, sur les côtes de la Turquie d’Asie, ils ont de nombreuses colonies, avec lesquelles, comme au temps de Périclès et de l’empire Perse, ils pourront, sans poursuivre de nouvelles conquêtes, entretenir des relations de culture et d’affaires. La mise en valeur de l’Asie-Mineure les intéresse, ils y participeront. Un nouvel essor de richesse attend le bassin de la mer Egée ; ils en seront les principaux bénéficiaires. La vocation de la Grèce est de devenir une grande puissance navale ; elle ne sera jamais en mesure de lutter sur terre contre la masse slave. Pourquoi, dès lors, s’acharnerait-elle à obtenir des territoires peuplés de Bulgares ? Elle a tout intérêt à ne pas créer d’irrédentisme bulgare chez elle, et, puisque des nécessités géographiques et politiques vont faire passer, du golfe d’Orfano à l’embouchure de la Maritza, des populations grecques sous une domination bulgare, c’est une raison de plus pour elle de consolider avec la Bulgarie des liens étroits d’alliance qui finiront