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ont souffert pour la Bulgarie, et que, s’ils étaient appelés à manifester leurs préférences, l’élite d’entre eux acclamerait la Bulgarie. L’avenir s’étonnera de ces compétitions, de ces querelles, comme il s’étonne aujourd’hui des luttes anciennes entre Français et Bourguignons, entre la langue d’oil et la langue d’oc. La destinée de ces peuples est l’unité.

Les îles de la mer Egée, sans exception, sont peuplées de Grecs ; c’est là que s’est conservé le type hellène le plus pur. La Crète est celle qui compte la plus forte minorité relative de musulmans. Sauf pour Thasos et Samothrace, les Grecs n’ont pas de compétiteurs parmi leurs alliés pour la possession des îles. Nous ne pensons pas non plus qu’il surgisse une ambition européenne à l’encontre des droits de la Grèce. Les Italiens, qui continuent à occuper quelques-unes des îles sous le prétexte qu’il reste encore des soldats turcs dans les rangs de leurs ennemis en Cyrénaïque, ne sauraient tardera les rendre à la Turquie qui, elle-même, en a par avance remis le sort aux mains des Puissances. Celles-ci croiront-elles devoir en laisser quelques-unes à la Turquie parce qu’elles se trouvent profondément incrustées dans le littoral de l’Asie Mineure ? C’est possible. Donner toutes les îles aux Grecs, y compris Chios et Mytilène, c’est peut-être préparer pour l’avenir un mouvement irrédentiste parmi les Grecs d’Asie. Mais rendre certaines îles, et précisément les plus peuplées, les plus riches et les plus grecques à la Turquie, c’est l’affaiblir plutôt que la fortifier en créant sur sa frontière maritime une cause permanente de trouble et un foyer de rébellion. L’Europe appréciera de quel côté se trouvent les plus graves inconvéniens. Peut-être pourrait-elle y remédier par une neutralisation des îles, qui seraient réunies à la Grèce. En tout cas, il n’est pas admissible que les grandes Puissances violent, au profit de l’une quelconque d’entre elles et aux dépens des Grecs ou des Turcs, le principe salutaire du désintéressement territorial. La mer Egée, au surplus, n’est qu’un ensemble de détroits ; nulle part on ne perd de vue la terre ; pourquoi n’appliquerait-on pas atout l’Archipel le principe de la « mer libre » comportant l’interdiction de fortifier les îles ? Ce ne sont là, d’ailleurs, que des difficultés secondaires. Le danger, pour la paix et pour la bonne harmonie des Etats balkaniques, est en Macédoine.