Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/919

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous l’aurait appris, s’il n’avait été facile de le deviner déjà : Serbes et Grecs ont lié partie pour résister à ce qu’ils regardent comme les prétentions exagérées des Bulgares et s’assurer à eux-mêmes un large morceau de la Macédoine. Il est même possible qu’une convention militaire prévoie l’action commune des deux alliés Serbe et Grec contre le troisième, le Bulgare, ou, plus exactement, la résistance commune aux Bulgares s’ils prétendaient faire évacuer par leurs anciens associés une partie des territoires qu’ils ont occupés pendant la grande guerre.

Les prétentions bulgares traversent à angle droit ces prétentions serbo-grecques. Les Bulgares veulent réunir à leur royaume Vodena et Kastoria, qui marqueraient leurs frontières au Sud, et aboutir au lac d’Okrida, en englobant la ville de ce nom, ancien siège d’un patriarcat bulgare. La Bulgarie serait, par là, limitrophe de l’Albanie ; la Grèce et la Serbie n’auraient pas de commune frontière ; les chemins de fer bulgares pourraient trouver, par l’Albanie, une issue plus facile vers la mer Adriatique. Les Serbes seraient rejetés au Nord-Ouest de la ligne prévue par leur convention avec les Bulgares, dont ceux-ci demandent l’exécution sans amendement. Ainsi serait ressuscitée la Bulgarie de San-Stefano. Monastir se trouve donc être le point central du litige ; on comprend maintenant l’importance que chacun des alliés y attache, et pourquoi les Bulgares, s’ils se trouvent dans la nécessité de sacrifier Salonique ou Monastir, paraissent devoir se résigner plus facilement à laisser Salonique aux Grecs. Ils resteraient ainsi fidèles à leur principe de rechercher avant tout la réunion de tous les Bulgares dans la même patrie.

Les Serbes, il est vrai, contestent que les Macédoniens soient des Bulgares plutôt que des Serbes ; ils ne sont, disent-ils, ni l’un ni l’autre, ou, si l’on veut, ils sont l’un et l’autre ; la carte du professeur Cvijic les appelle « Slaves Macédoniens « et leur donne une teinte spéciale. Leur idiome n’est, en effet, ni tout à fait le serbe, ni tout à fait le bulgare et l’on peut, du point de vue scientifique, soutenir qu’ils forment la transition, — disons plutôt le trait d’union, — entre les deux peuples. Il est très probable également que ces Slaves, réunis aujourd’hui soit à l’un, soit à l’autre des deux royaumes, se trouveraient bientôt, dans leur masse, satisfaits de leur sort. Il parait certain cependant qu’ils ont, pour employer une expression chère aux Grecs, une « conscience nationale » bulgare, qu’ils se sont battus et