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bulgare dont le gouvernement ne s’est pas toujours montré paternel vis-à-vis des Hellènes de la Roumélie. Il est donc légitime, d’après eux, que, par une concession réciproque, le gouvernement de Sofia consente à renoncer à quelques morceaux de territoire, bien que peuplés par une majorité de Bulgares. Puisque la géographie politique et l’ethnographie ne peuvent pas concorder complètement, que du moins des exceptions soient faites en faveur des Grecs comme en faveur des Bulgares. :

Ainsi parlent les Grecs, et leur diplomatie subtile, demandant beaucoup, se flatte par là d’obtenir quelque chose : c’est Salonique, avec une banlieue aussi large que possible, qui est l’objet principal de ses efforts. Salonique est le grand marché de la Macédoine, la porte par où elle communique avec la mer et avec l’extérieur, le centre où convergent ses chemins de fer ; c’est pourquoi les Grecs, laissant l’armée turque se retirer vers le Nord, ont précipité la marche de leurs régimens vers cette grande ville qu’ils appellent encore, comme saint Paul, Thessalonique, et qu’ils se sont arrangés, en dignes fils d’Ulysse, pour y devancer, sans effraction, leurs concurrens slaves. Depuis lors, une bonne administration de plusieurs mois, qui a rassuré les intérêts alarmés, le sang du roi Georges odieusement répandu, ont donné aux Grecs des hypothèques nouvelles sur la métropole macédonienne.

Par sa population, Salonique est une synthèse de la Macédoine ; Grecs et Bulgares, Valaques et Albanais s’y coudoient ; c’est le rendez-vous de toutes les races et de toutes les langues ; le français y est très répandu. L’Hellène, commerçant et citadin, l’emporte sur le Slave, qui peuple les campagnes environnantes ; l’un et l’autre sont distancés de loin par l’élément Israélite, venu d’Espagne au temps de Philippe II, qui forme plus de la moitié de la population (75 000 âmes) et qui fait concurrence au Grec dans le commerce et la banque. Si Salonique devait appartenir à la race la plus nombreuse, elle constituerait une république juive ; et, de fait, si les Etats balkaniques associés avaient bien compris leur véritable avantage et maintenu entre eux une étroite solidarité, fût-ce au prix de quelques sacrifices, l’intérêt de tous eût été de faire de Salonique une ville libre, une ville fédérale, marché et port commun des Etats alliés, administrée par sa municipalité, sous la haute protection et le contrôle des États confédérés. Los Bulgares y auraient trouvé le véritable