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hégémonie ; or les Serbes veulent bien de l’alliance, mais d’une alliance d’égal à égal ; toute prétention à l’hégémonie les mettrait dans la nécessité, pour rétablir l’équilibre, de chercher ailleurs des amis et des appuis : c’en serait fait de la confédération balkanique.

A ces argumens, voici en substance ce que répondent les Bulgares. Nous avons conclu une convention ; si les Serbes ne l’avaient pas acceptée préalablement, nous n’aurions fait ni l’alliance, ni la guerre ; si nous nous montrons intransigeans, ce n’est pas pour acquérir quelques morceaux de terre de plus ou de moins, c’est pour ne pas laisser des Bulgares en dehors de la nouvelle Bulgarie. Nous avons fait la guerre pour la délivrance des Bulgares de Macédoine et si le bonheur de nos armes et l’héroïsme de nos troupes ont fait tomber entre nos mains Andrinople et une partie de la Thrace, est-ce une raison pour abandonner à d’autres nos frères de Macédoine, eux qui, depuis si longtemps, soutiennent la lutte contre les Turcs, qui ont donné tant de héros à l’indépendance, tant d’hommes remarquables au royaume ? Partout où il y a des Bulgares doit s’étendre la Bulgarie : c’est pour cela que nous avons fait la guerre et nous ne céderons pas sur ce point. Nous avons fait aux Serbes de larges concessions en traçant la ligne frontière, car Uskub, par exemple, Strouga ou Krtchevo sont autant bulgares que serbes. La Bulgarie de demain ne pourra plus s’accroître, car il n’existe pas, ailleurs, de pays peuplés de Bulgares ; la Serbie, au contraire, a l’avenir devant elle ; elle peut se fondre avec le Monténégro, et qui sait si elle ne trouvera pas un jour l’occasion de s’unir aux Serbes de Bosnie, d’Herzégovine, de Croatie et de Hongrie ? Le concours militaire des Serbes, disent encore les Bulgares, nous n’en contestons pas la valeur, mais il était de leur intérêt de nous le donner, car tant que la résistance des Turcs n’était pas abattue, rien n’était fini pour eux, ni pour nous, ni pour les Grecs. Pour la même raison il eût été absurde d’envoyer 100 000 Bulgares en Macédoine quand la masse principale de l’ennemi était en Thrace. Les Serbes se plaignent de ne pas obtenir l’accès territorial à l’Adriatique ; nous le regrettons, mais n’avons-nous pas dû céder Silistrie et ses environs aux Roumains ? La Bulgarie ne prétend pas à l’hégémonie de la péninsule, mais elle était, avant la guerre, la plus puissante, elle le restera après la guerre ; il n’y aura