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et non pas à semer la guerre. Une Albanie bien policée peut devenir un élément bienfaisant de tranquillité et de prospérité pour tout le pays entre le Vardar et l’Adriatique ; mais c’est à la condition qu’elle ne cherchera pas à faire, sous des inspirations étrangères, une politique d’expansion, et qu’elle acceptera comme définitives les frontières raisonnables que l’Europe lui accordera.

Tout danger de complication européenne à propos de l’Albanie a maintenant disparu, mais c’est le partage de la Macédoine entre Bulgares, Serbes et Grecs qui excite les passions les plus violentes et pourrait amener des conflits entre les alliés d’hier. Nous avons dit ici même la mêlée des ambitions antagonistes et des patriotismes rivaux dans cette Macédoine bigarrée, que la nature semble avoir prédisposée plutôt à des luttes intestines qu’à une puissante unité. La Macédoine est la cause et l’objet de la guerre, il ne faut pas l’oublier. Les Bulgares ne se sont pas levés pour marcher sur Constantinople, mais pour délivrer leurs « frères » de Macédoine. C’est aussi l’objectif des Serbes et des Grecs. On a fait la guerre aux Turcs pour affranchir la Macédoine ; et comme on était certain d’avance de ne pas s’entendre sur le partage, on a sagement différé d’y procéder avant que l’ennemi commun fût définitivement hors de combat. Maintenant, on est en face du problème ; faut-il s’étonner que les anciennes animosités reparaissent, enfiévrées par la victoire ? Essayons de présenter dans toute leur force les argumens rivaux.

Une convention serbo-bulgare, signée en février 1912, prévoit le cas où, les parties contractantes étant obligées de recourir aux armes, se trouveraient amenées à délimiter la part qui reviendrait à chacune d’elles dans la Macédoine. Les renseignemens sur la portée et les termes exacts de ce texte ne sont ni toujours précis ni toujours concordans. Une ligne a été tracée, qui part approximativement de la frontière serbo-bulgare actuelle, descend le cours de la Ptchnia, laissant Egri-Palanka du côté bulgare, coupe la plaine d’Ovitch, franchit le Vardar et le chemin de fer à une douzaine de kilomètres au Nord de Vêles (Keuprülü), suit la crête des Monts Golejnitza et aboutit à peu près en droite ligne au lac d’Okrida, entre la ville de ce nom et Strouga. D’après les Serbes, cette ligne constitue une frontière fixe, dont ils demandent la révision pour des raisons que nous allons dire. D’autres, du côté bulgare, disent que cette