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A L’EXPOSITION DAVID

L’INSTINCT ET L’INTELLIGENCE CHEZ L’ARTISTE

L’entomologiste Fabre, en une série d’expériences méticuleuses et mémorables, a montré qu’un même insecte accomplit des travaux merveilleux d’ingénieur, de maçon, de géomètre et de chirurgien, tant qu’il est poussé et soutenu par son instinct, et devient assez pauvre et même tout à fait mauvais ouvrier, lorsqu’on fait appel à son intelligence. Je ne sais si ce trait ne se retrouverait pas ailleurs que chez les insectes, et s’il suffit à distinguer nettement la nature animale de la nature humaine. Mais il y a une espèce d’homme, au moins, chez qui l’instinct de son métier, aveuglément suivi, suggère des œuvres infiniment supérieures à ce que produisent les systèmes élaborés par son intelligence : c’est l’artiste. Il y a une œuvre humaine en laquelle la perfection est atteinte, sans que l’auteur lui-même sache comment ni pourquoi, et où les meilleures règles appliquées ne conduisent jamais à rien qui vaille : c’est un tableau, une statue, un poème, une symphonie. De cela, l’histoire nous offre maint exemple. Je ne crois pas qu’on en puisse trouver de plus saisissant que celui de David, tel qu’il ressort de l’exposition de ses œuvres en ce moment réunies au Petit Palais. Les toiles de ses élèves : Gros, Gérard, Girodet, M. Ingres, et d’autres moins célèbres, comme Granet, Navez, Rouget, qui prolongent son exposition, ne font que prolonger son exemple. Si après avoir parcouru cette collection éphémère, rassemblée pour notre instruction par M. Henry Lapauze, on remonte la Seine