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d’hommes au moins équivalent ; la Grèce un peu moindre. Le Monténégro, le plus petit des quatre, est aussi celui qui a fait le plus gros effort et consenti les plus douloureux sacrifices. Il est légitime qu’il y ait une certaine corrélation entre les compensations obtenues et les pertes éprouvées.

Les conventions sont la loi des parties. Mais, entre les quatre associés, il n’existe pas de traité général qui les engage tous les uns vis-à-vis de chacun des autres. La convention serbo-bulgare est la plus explicite, puisqu’elle prévoit une délimitation. L’alliance gréco-bulgare, conclue peu de jours avant le commencement des hostilités, ne prévoit aucune frontière. Nous ne croyons pas qu’il existe de traité entre Grecs et Serbes ; on n’a jamais parlé d’une convention régulière entre le Monténégro et ses associés, si ce n’est peut-être avec les Bulgares qui ont été le centre et le lien de la confédération. D’ailleurs, ces conventions, spécialement la convention serbo-bulgare, conclue à un moment où les associés pensaient plutôt à l’autonomie de la Macédoine qu’à la conquête de la Turquie d’Europe, peuvent-elles être intégralement exécutées aujourd’hui que tant d’événemens inouïs sont venus modifier les conditions où le traité avait été rédigé ? Les Serbes disent : non ; les Bulgares : oui. Nous verrons leurs argumens ; retenons seulement ici que les conventions, là où elles existent, ne sauraient rester lettre morte.

Au-dessus de toutes les autres doit se faire entendre la voix des peuples. La guerre qui vient de s’achever n’est pas une guerre de conquête, c’est une guerre de délivrance. Bulgares, Serbes, Grecs, Monténégrins se sont rués à la bataille pour la libération de leurs frères. Si tel n’avait pas été le caractère de la lutte, il ne serait pas admissible que les alliés gardassent presque tout ce qu’ils ont conquis. Ces annexions sont des annexions consenties, passionnément désirées, et c’en est la justification ; des hommes ne sont pas arrachés à leur patrie, mais des hommes sont rendus à la patrie qu’ils souhaitaient : lointaines réparations que l’histoire est fière d’enregistrer. La volonté des populations, c’est donc, dans le partage des lots qui va être fait, le critère auquel la justice demande que les alliés se conforment.

Est-ce à dire que d’autres élémens ne puissent pas entrer en ligne de compte ? Évidemment non. Dans l’intérêt même des populations, il faut aussi s’efforcer de créer des États viables et