Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/870

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tristesse… et la mienne : nous savons trap bien tous les deux ce que nous cherchons à nous cacher l’un à l’autre…

Pardonnez-moi, mon bien cher ami, de vous entretenir de nos chagrins, quand autour devons tout est joie et bonheur. Si j’avais eu l’esprit et le cœur plus libres, j’aurais voulu adresser à Mme Carraby, à Mlle Marie, mes félicitations et mes souhaits. Je ne peux que vous dire à vous, mon bon et cher ami, que je suis avec vous de toute mon âme, et que jeudi prochain, dans un coin de notre pauvre petite église de village, il y aura une prière ardente qui, sans être la prière d’un saint, osera se joindre à tant d’autres pour demander à Dieu le bonheur de votre charmante et chère fille.

Votre vieil ami tout dévoué.


Paris, 17 août 1899.

C’est à Paris, mon cher ami, que m’arrive votre bonne lettre, après avoir été me chercher à Laroche-Guyon ; et ce petit contretemps a retardé d’autant ma réponse. Puisque vous voulez avoir de nos nouvelles, puisque votre amitié ne se lasse pas de nous, de nos ennuis, et de nos misères, commençons donc par nous et nos vieilles personnes.

Je vous ai écrit, je crois, vers la fin du mois de juillet, quelques jours avant le mariage de Mlle Marie. Ma lettre ne devait pas être bien gaie, et je crains que celle-ci ne le soit pas davantage.

Nous étions partis pour Laroche-Guyon le 3 juillet. Nous y sommes restés jusqu’au 5 août, absolument seuls, sauf un jour, le 24 juillet, où Albert M… est venu passer vingt-quatre heures dans notre bicoque.

Ce qu’a été ce mois de solitude, j’ai dû vous le dire, ou vous le laisser du moins entrevoir. Des lectures, presque ininterrompues, de tristes causeries, un piétinement monacal dans notre petit cloître et dans notre jardin de curé, quelques flâneries de voisinage ; des lettres paresseuses et des réponses toujours en retard à des amis qui ne nous veulent pas oublier ; ainsi se passaient nos journées, heureux encore qu’aucun incident grave n’en ait troublé la monotonie. Le 5 août, nous sommes revenus à Paris, d’abord pour chercher un peu de fraîcheur dans notre soupente de la rue du Helder ; ensuite pour nous aérer un peu l’esprit et le cœur ; pour entendre autour de