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retour. Mais il se défie trop de lui-même maintenant, pour que nous entreprenions désormais aucun voyage.

Voilà tout, — et vous trouverez que ce tout pouvait se dire en moins de quatre pages. Pardonnez-moi mon bavardage sénile. J’avais sur le cœur tout ce que je n’ose pas dire à votre mari, c’est-à-dire le très vif plaisir que nous avons pris, mon frère et moi, à lire et à relire son très remarquable travail, la joie fraternelle que nous donnent toujours ses succès, et la très grande amitié, la très haute estime que, tous les deux, nous avons pour lui.

Au revoir, chère Madame et amie ; nous sommes dans la saison des longues absences et des prompts oublis. Que la belle société d’Ostende ne vous fasse pas perdre tout à fait la mémoire de vos vieux et modestes amis. Rappelez-moi au bon souvenir de Mlle Marie, et agréez, je vous prie, avec toutes mes excuses, l’hommage de mes sentimens les plus affectueux et les plus dévoués.


Laroche-Guyon, 3 septembre 1897.

Je regrette bien, mon cher ami, de n’avoir pas pu répondre tout de suite à votre aimable lettre. Depuis huit jours, j’ai été si souffrant que j’étais absolument incapable de faire, de dire, d’écrire et de penser quoi que ce soit. Nous sommes arrivés ici le 25 août, par des temps d’orage, qui n’ont guère cessé depuis cette époque, et qui ont fortement éprouvé ma nerveuse et chétive vieille personne. Avant-hier, je me suis cru très sérieusement malade. J’ai passé toute la journée assis devant ma fenêtre, dans un état de torpeur et de stupidité vraiment inquiétant. Il a fallu une médication énergique pour me remettre à peu près sur mes pieds et me tirer de cette léthargie qui commençait à inquiéter vivement mon pauvre frère.

Je me sens, aujourd’hui, la tête moins lourde, l’âme un peu moins en détresse, et le cœur à peu près à sa place. Je me dépêche d’en profiter pour vous écrire. Ce n’est pas ma faute, je vous l’assure, si les premières nouvelles que je vous donne sont si maussades. Heureusement, ce que j’ai à vous dire de mon cher compagnon est meilleur. Vous vous rappelez peut-être qu’il avait mal commencé l’été. A la fin du mois de juillet, j’avais dû le ramener à Paris, où, s’il était tombé malade, nous aurions trouvé tous les soins nécessaires et toutes les ressources désirables.