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de fleurs, et pas assez de laitues. Trop de fleurs ! disait Calchas !… Vous rappelez-vous ces bonnes bêtises de notre jeunesse ?

Adieu encore, à revoir ? Quand et où ?… Nous reverrons-nous même jamais ? Voilà par où il faut finir quand on est vieux comme moi, philosophe, fils soumis de l’Église, et candidat à une cellule de la Grande-Chartreuse. Pensez-y, mon fils.

Vous n’exigez pas que je vous parle politique ou littérature. En fait de politique, c’est demain l’anniversaire de Sedan ! Horreur !… Et en fait de littérature, nous étions jeudi dernier huit grands écrivains à l’Académie, sans compter Pingard. Nous avons failli nous prendre à la gorge en discutant les différens sens du mot aider et la prononciation du mot anguille. Qu’en pensez-vous, ignorantissime bourgeois ? Savez-vous seulement ce que vous faites quand vous dites O ou U ?… u, û, ù… comme M. Jourdain ?

Écrivez-moi quand vous aurez un instant de loisir et un sou d’amitié pour moi.


Paris, 27 juillet 1897.

Chère Madame et amie.

Vous avez lu, je le suppose, les deux grands articles que le Figaro a publiés dans ses numéros de dimanche et d’hier sur l’éloquence judiciaire. Oubliez, je vous en prie, certains passages de ces articles que je voudrais oublier moi-même, et permettez-moi de vous adresser tous les complimens, les félicitations très vives et très sincères que l’auteur de cette belle étude ne veut pas absolument entendre.

En vous disant que, depuis bien longtemps, je n’avais rien lu, sur le Palais et sur le Barreau, d’aussi remarquable, je ne vous dis guère, je vous l’affirme, que la moitié de ce que je pense. À mes yeux, celui qui a écrit d’un style si solide, si juste et si brillant, ces pages excellentes, est un écrivain tout à fait supérieur, très sûr de son talent, très maître de sa pensée et de sa plume, dont les journaux et les Revues devraient se disputer les écrits. Voudra-t-il travailler dans ce but ? Voudra-t-il reprendre les études, les habitudes et les goûts qui, dans sa jeunesse, ont commencé ses succès et sa renommée ? Y sera-t-il encouragé par la camaraderie jalouse des maîtres de la critique et les grands seigneurs de la Presse ? Je n’en sais rien, mais ce que je sais bien, c’est que ses vrais amis doivent faire tous leurs