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longues courses la vigueur essoufflée de nos vieilles jambes septuagénaires. Cette fois encore, mon infatigable grand frère a voulu revoir ses chères montagnes. Nous sommes partis dans les premiers jours du mois d’août et nous avons été tout droit à Lausanne ; puis, comme de bons badauds, comme de bons Perrichons, nous sommes allés voir les gorges du Trient ; et de là, pour la cinquième ou sixième fois, à Chamonix. Nous ne comptions y rester qu’un jour ; mais, le temps s’étant mis au beau, nous avons été repris de cette maladie juvénile que le Bædecker appelle le vertige des sommets. Malheureusement, à notre âge, ces belles poussées de jeunesse vous laissent à moitié chemin... Encore est-ce quelque chose !... Et nous avons été fiers d’avoir pu monter, sur la route du Mont-Blanc, jusqu’à la Pierre-Pointue, c’est-à-dire jusqu’à deux heures de la cabane des Grands-Mulets. Ç’a été notre plus remarquable ascension ; et nous l’avons faite en quatre heures, par un soleil torride. Nous sommes restés à Chamonix plus d’une semaine, faisant chaque jour quelque longue promenade ; et nous sommes revenus à Paris par le lac de Genève, à la fin d’août, très bien portans tous les deux. Je ne me rappelle pas si c’est à cette époque que je suis allé prendre de vos nouvelles. Je ne vous faisais pas, croyez-le bien, l’injure de croire qu’un homme comme vous fût à Paris dans cette saison ; mais j’ai été, je l’avoue, assez surpris quand votre concierge m’a dit que vous comptiez passer à Dinard tout l’automne.

Pour nous, pauvres hères, après nous être reposés pendant quelques jours à Paris, dans notre cave de la rue du Helder, nous sommes venus nous blottir dans notre roche, où nous allons rester jusqu’à la fin d’octobre, si Dieu nous prête vie. Les séries bourgeoises ont commencé dans cette épicerie. Nous avons eu, la semaine dernière, les Picot ; le docteur Marjolin et sa femme qui sont encore avec nous ; les Duverdy, nos voisins, qui sont souvent en déplacement dans notre cottage ; enfin Limet, qui va partir demain matin. Il faut qu’il soit vendredi aux Andelys ; samedi, à Gisors ; dimanche, à Maisons-Laffitte ; lundi matin, tout en haut de la tour Eiffel, — où il donne à déjeuner à des Dames. — Mardi, il part pour la Champagne. Jeudi, on l’attend près de Nevers ; après quoi, il ira passer quelques jours chez un ami près de Lausanne... Et de là il partira avec sa sœur pour aller passer le mois d’octobre à Naples !