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gros livre sur Laroche-Guyon a eu à l’Académie des Sciences morales et politiques une médaille d’or. Il lui avait coûté cinq ans et demi de travail ; à présent, le voici plongé plus avant dans le chartrier du château, que jamais personne n’avait fouillé, et où il fait les trouvailles les plus curieuses.il s’est appris tout seul à lire les écritures du XIVe et du XVe siècle, et il déchiffre presque couramment ces indéchiffrables parchemins. Quel savant, quel érudit illustre il aurait été, si la destinée l’avait voulu ! C’est assurément un des types d’homme les plus complets que j’aie connus.

Mais voilà bien assez de bavardages ; vous comprenez, mon ami, qu’avec ce délayage d’esprit et cette prosodie sénile, je ne trouve le temps de rien faire. Dieu veuille, encore, que je ne vous aie pas trop impatienté et que vous soyez arrivé jusqu’à ces dernières lignes sans trop vous ennuyer. Elles contiennent, d’ailleurs, le meilleur de ce griffonnage, c’est-à-dire l’expression de mes sentimens bien sincèrement affectueux pour vous et votre si aimable maisonnée.


Laroche-Guyon, 13 septembre 1894.

Merci, mon cher ami, de votre aimable souvenir et de votre bonne lettre. Vous me dites que j’ai coutume devons écrire une fois tous les ans. Ce n’est guère ; et c’est vous faire attendre bien longtemps très peu de chose. Mais il ne tient qu’à vous de vaincre ma paresse : vous n’avez qu’à me répondre et je ne vous laisserai pas le dernier mot ; car je suis grand écrivassier avec les gens que j’aime.

Il me semble que vous êtes bien sédentaire cette année ; et bien fidèle aux rives prochaines. Vous êtes en trop enviable compagnie pour que je m’en étonne. Le bonheur à deux est le bonheur véritable ; et j’ai dans le cœur toutes les idylles que la vie ne m’a pas données, « Nous rêverons le reste. » Jouissez en paix, homme heureux, de ce que tous les pauvres diables comme moi ne font que rêver ; et que votre rocher de Saint-Malo vous laisse de longs et chers souvenirs !

Pour nous, pauvres solitaires, il nous faut tromper par du vagabondage sans repos l’éternel ennui de notre célibat sans défaillance. Qui donc vous a si bien instruit de nos exploits alpestres ? C’est pourtant vrai que, cette fois encore, nous avons été, comme de vieilles bêtes que nous sommes, essayer dans de