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bon camarade Limet. Nous l’avons retrouvé à Paris le 1er ou le 2 septembre, et il nous a dit qu’il vous avait vu au Mont-Dore, en bonne santé ; ce que nous a confirmé l’autre jour notre voisin Duverdy. Nous n’étions pas moins, mon frère et moi, très désireux de savoir ce que vous étiez devenu depuis votre voyage en Auvergne, et je peux vous assurer que très souvent, ici, nous nous sommes entretenus de vous et des vôtres ; non pas que nous ayons eu un seul instant la pensée téméraire que vous fussiez tenté de renouveler l’épreuve avilissante du mail-coach de notre pays ; mais on aime ses amis de loin comme de près. Et parler de vous était encore un moyen pour nous de tromper les soucis de l’absence. Quant à vous écrire, il aurait fallu pour cela savoir où vous prendre ; et je le savais si peu que, ces jours derniers, je vous croyais en Allemagne.

Je suis très heureux que l’Auvergne vous ait agréé ; que votre santé et votre humeur se soient bien trouvées de votre séjour dans les montagnes. L’an passé, nous sommes allés, nous aussi, dans ces contrées que nous connaissions déjà, et. malgré le mauvais temps qui nous y attendait, nous en avons emporté de très bons souvenirs. Vous me dites que vous n’êtes plus l’intrépide marcheur que nous avons connu ? En lisant cette énorme hâblerie, je n’ai pu m’empêcher de sourire doucement. Sur vos exploits de pedestrian, et sur les records pédestres que vous avez jamais pu battre, nous sommes fixés, et vous êtes classé dans notre estime au rang qui vous appartient.

Quant à l’avachissement intellectuel et moral dont vous Vous plaignez, c’est de votre part coquetterie toute pure ; et je vous assure, mon cher ami, que je donnerais beaucoup pour être avachi comme vous le pouvez être. Vous verrez ; vous verrez dans une quinzaine d’années, ce que c’est que la décadence physique, intellectuelle et morale dont vous parlez si plaisamment aujourd’hui. Il faut, pour en arrêter les effets, tout autre chose que « ces douches tièdes » et ces chaudes « étuvées » dont vous me vantez le charme. J’en fais, depuis trop longtemps déjà, l’épreuve humiliante.

Vous vous rappelez peut-être que, cette année, pendant plus de trois mois, j’ai été sérieusement malade. A peine arrivé à Allevard, j’ai eu à subir, par ma faute et par mon imprudence juvénile, une secousse moins longue, mais au moins aussi grave que les autres. Dès le lendemain de notre installation, profitant