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LETTRES DE M. EDMOND ROUSSE
A M. CARRABY

Il y a trente deux ans, au mois d’avril 1881, le Duc d’Aumale recevait M. Edmond Rousse à l’Académie française. Le Prince était visiblement heureux de souhaiter la bienvenue à l’avocat lettré dont la vie rappelait, disait-il, « ces mâles figures qui ont fait l’honneur et la force de notre Tiers-Etat. » Cette forme possessive indiquait les sentimens du directeur de l’Académie pour certains hommes d’autrefois et pour leur digne descendant animé, lui aussi, d’une intrépidité tranquille dans la défense de grands droits méconnus ou de grandes libertés violées.

Mettant sur la même ligne la valeur guerrière et le courage civique, le Duc d’Aumale rappelait l’exemple, le grand exemple donné par M. Edmond Rousse, en 1871, sous la Commune. Bâtonnier, il réclama sa place auprès des victimes. Par son attitude, ses paroles, son courageux dévouement, il força les détenteurs eux-mêmes du pouvoir insurrectionnel au respect de sa personne et de ce qu’elle représentait. Puis, le Duc d’Aumale, — avec une délicatesse d’âme qui voulait, dans la solennité de cette séance académique, mêler quelque chose d’intime, — associait le nom de M. Emile Rousse, de ce frère si aimé, à l’hommage que recevait le nouvel élu. Il évoquait en outre la pensée de leur mère qui venait de mourir. Le Prince ne faisait qu’indiquer d’un trait discret l’union si intime de trois êtres qui avaient toujours vécu au même foyer. Les deux frères avaient entouré leur mère, devenue aveugle, d’un dévouement de chaque jour.

Que de fois, au retour du Palais, M. Carraby avait trouvé