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germes de contagion. On était d’ailleurs à la fin d’août, la saison des épidémies, des chaleurs humides et des soirées accablantes, l’époque de l’année la plus dangereuse et la plus pénible pour les malades.

Tout de suite, Augustin s’alita. Mais, même là, sur le lit où il allait mourir, on ne le laissait pas tranquille. Des gens vinrent lui demander ses prières pour des possédés. Le vieil évêque s’attendrit, pleura, supplia Dieu de lui accorder cette grâce, et les malheureux démens furent délivrés. Comme il est probable, cette guérison fit grand bruit dans la ville. Un homme lui amena un autre infirme à guérir. Augustin, accablé, répondit à l’homme :

— « Mon fils, tu vois mon état ! Si j’avais quelque pouvoir sur les maladies, je commencerais par me guérir moi-même ! »

L’individu insista : il avait eu un songe. Une voix mystérieuse lui avait dit : « Va trouver Augustin : il imposera les mains à ton malade, et celui-ci sera guéri ! » Il le fut en effet. Ce sont là, il me semble, les seuls miracles que le saint ait accomplis de son vivant. Mais qu’est-ce que cela, si l’on considère le perpétuel miracle de sa charité et de son apostolat ?

Bientôt, la maladie de l’évêque empira. Enfin, il obtint qu’on ne le dérangeât plus, et qu’on lui permît de se préparer à la mort, dans le silence et le recueillement. Pendant les dix jours qu’il vécut encore, personne ne pénétra dans sa cellule, excepté les médecins et les serviteurs qui lui apportaient un peu de nourriture. Il en profita pour se repentir de ses fautes. Car il avait coutume de dire à ses clercs que, « même après le baptême, des chrétiens ou des prêtres, quelque saints qu’ils fussent, ne devaient jamais sortir de la vie, sans en avoir fait une confession générale. » Afin de s’exciter à la contrition, il avait ordonné qu’on lui recopiât sur des feuilles les Psaumes de la Pénitence et que l’on disposât ces feuilles sur le mur de sa chambre. De son chevet, il les lisait continuellement.

Le voilà donc seul, en face de lui-même et de Dieu ! Moment solennel pour le grand vieillard.

Il évoquait sa vie passée, et ce qui le frappait d’abord et le contristait, c’était l’écroulement de toutes ses espérances humaines. Les ennemis de l’Église, que, pendant quarante ans, il avait combattus presque sans relâche et qu’il avait pu croire vaincus, tous ces ennemis relevaient la tête : les donatistes,