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de donner à ses serviteurs la force nécessaire pour accomplir sa volonté, ou, tout au moins, de m’enlever de ce monde et de me recevoir dans son sein. »

Mais il est plus que probable que, chez lui, ces défaillances n’étaient que passagères, et que, dans ses sermons, comme dans ses entretiens avec Boniface, il s’appliquait à stimuler le courage du peuple et du général. Sa correspondance contient toute une série de lettres adressées, vers cette époque, au comte d’Afrique, et qui respirent, çà et là, une véritable ardeur belliqueuse : ces lettres sont très certainement apocryphes. Néanmoins, elles expriment quelque chose des sentimens que devaient éprouver alors le peuple d’Hippone et Augustin lui-même. Une de ces lettres félicite emphatiquement Boniface d’un avantage remporté sur les Barbares.

« Votre Excellence n’ignore pas, je crois, que je suis étendu sur mon lit et que je souhaite l’arrivée de mon dernier jour. Je me réjouis de votre victoire. Je vous adjure de sauver la cité romaine. Gouvernez vos soldats comme un bon comte. Ne présumez point de vos propres forces. Mettez votre gloire dans Celui qui donne le courage, et vous n’aurez jamais à craindre aucun ennemi. Adieu ! »

Peu importent les termes. Quels qu’aient été les derniers adieux d’Augustin au défenseur d’Hippone, il lui a tenu sans doute un langage approchant de celui-ci. En tout cas, la postérité a voulu croire que l’évêque moribond conserva jusqu’au bout sa fière attitude en face de la Barbarie. Ce serait abuser des mots que de le représenter comme un patriote, au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Il n’en est pas moins vrai que cet Africain, que ce chrétien fut un admirable serviteur de Rome. Jusqu’à sa mort, il en a gardé le culte, parce que l’Empire, à ses yeux, c’était l’ordre, la paix, la civilisation, l’unité de la foi dans l’unité de la domination.


IV. — SAINT AUGUSTIN

Le troisième mois du siège, il tomba malade. Il avait la fièvre, une fièvre infectieuse sans doute. Les gens de la campagne, les soldats blessés qui, après la déroute de Boniface, s’étaient réfugiés dans Hippone, avaient dû y apporter des