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Le sac de Rome dura, paraît-il, trois jours et trois nuits. Une partie de la ville fut incendiée. Toutes les horreurs, coutumières en pareil cas, les vaincus les subirent : destructions féroces et stupides, viols, assassinats isolés, carnages en masse, tortures et mutilations. Mais, au fond, les Barbares n’en voulaient qu’à l’or des Romains. Ils se conduisirent en véritables voleurs de grands chemins. S’ils torturaient leurs victimes, sans différence d’âge ou de sexe, c’était pour leur arracher le secret de leurs trésors. On prétend même que l’avarice romaine fournit, en cette occasion, d’admirables exemples de constance. Certains aimèrent mieux se laisser supplicier jusqu’au dernier souffle que de dénoncer leurs cachettes. Enfin, quand Alaric jugea son armée suffisamment gorgée de butin, il donna le signal du départ et se remit en route avec ses charrettes pleines.

Gardons-nous d’envisager ces événemens selon nos idées modernes. La prise de Rome par Alaric ne fut point un désastre national. Ce fut un colossal brigandage. Le Goth ne songeait aucunement à détruire l’Empire. Ce n’était qu’un mercenaire en révolte, — un mercenaire ambitieux sans doute, — mais surtout un pillard.

A la suite de ce coup de main contre la Ville Éternelle, la contagion du pillage se propagea de proche en proche, gagna jusqu’aux fonctionnaires et jusqu’aux sujets de Rome. Au milieu de l’anarchie générale, qui semblait assurer l’impunité, personne ne se gênait plus. En Afrique particulièrement, où le vieil instinct de piraterie sommeille toujours, on se mit à rançonner les Romains et les Italiens fugitifs. Beaucoup de riches y étaient venus chercher un asile, se croyant plus en sûreté, une fois qu’ils auraient mis la mer entre eux et les Barbares. La renommée de leurs richesses, démesurément gonflées par la rumeur populaire, les avait précédés. On citait, parmi eux, des patriciens comme les Anicii, dont les biens étaient tellement immenses et les palais si luxueux qu’ils ne trouvaient point d’acquéreurs. Ces archi-millionnaires en fuite devenaient une aubaine miraculeuse pour le pays. On les exploita sans vergogne.

Tout le premier, le gouverneur militaire de l’Afrique, le comte Héraclianus, s’empressa de détrousser les émigrés italiens. A la descente du bateau, il faisait saisir les matrones