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au passage le jeune Honorius, qui partageait avec Stilicon l’honneur du char triomphal.

La splendeur inouïe de sa trabée, où les broderies à l’aiguille disparaissaient sous la profusion et le chatoiement des pierreries, excitait l’ébahissement de la multitude. Le diadème, chef-d’œuvre d’orfèvrerie, écrasait ses tempes. Des pendeloques d’émeraudes cliquetaient de chaque côté de son cou un peu gras, d’une mollesse presque féminine, qui le fit aussitôt comparer à Bacchus. On lui trouvait une figure avenante et même un air martial, avec ses épaules carrées et son cou trapu. Les matrones considéraient d’un œil attendri ce César de dix-neuf ans, qui avait alors une certaine beauté et comme un éclat de jeunesse. Cet Espagnol dégénéré qui, véritable eunuque couronné, allait vivre dans la société des eunuques du Palais et mourir d’hydropisie, ce fils de Théodose aimait, en ce temps-là, les exercices violens, la chasse et les chevaux. Mais, déjà, il s’alourdissait d’une graisse malsaine. Sa carrure, la boursouflure de sa chair donnaient l’illusion de la force à ceux qui le voyaient de loin. Il fit sur les Romains, sur les jeunes gens surtout, une impression excellente.

Mais, plus peut-être que l’Empereur, on admira l’armée, sauvegarde de la patrie. Les légions, à la suite du prince, avaient à peu près déserté la capitale. Les troupes d’élite y étaient presque inconnues. Et, ainsi, le défilé de la cavalerie fut un spectacle tout nouveau pour le peuple. On se récriait devant les cataphractaires, éblouissans dans la cotte de mailles qui les revêtait de la tête au pied. Sur leurs montures, caparaçonnées de métal, ils avaient l’air de statues équestres, de cavaliers d’argent montés sur des chevaux de bronze. Les étendards des draconnaires, longs serpens d’étoffe qui sifflaient au vent, provoquaient d’enfantines exclamations. On se montrait du doigt les cimiers des casques, empanachés de plumes de paons, et les écharpes de soie écarlate, qui se gonflaient sur la cambrure des cuirasses dorées...

La pompe militaire s’engouffra dans le Forum, remonta la Voie sacrée, et, après avoir passé sous les arcs de triomphe des anciens Empereurs, s’arrêta au Palais de Septime Sévère. La foule attendait Honorius dans le Stade. Lorsqu’il apparut au balcon de la loge impériale, des vivats effrénés retentirent sur tous les gradins. L’Empereur, diadème en tête, s’inclina devant