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garder ce point important en se renforçant pendant la nuit[1]. »

Ainsi, deux fois dans cette journée, « Ladmirault laisse échapper l’occasion d’écraser la gauche allemande, et cette occasion perdue, nous ne la retrouverons plus jamais[2]. » Cette fois, c’est fini, la journée est, sinon malheureuse, du moins pas gagnée, et nous avions manqué une chance encore plus belle que celle de Forbach. La fortune se lasse d’accorder des faveurs à qui en profite aussi mal.


VIII

A la droite allemande, Stülpnagel s’était mis en danger par sa faute. Enfreignant la défense du prince Frédéric-Charles, il s’était témérairement engagé dans une série d’offensives mal préparées, et sa troupe, déjà très éprouvée, avait subi encore sans profit de grandes pertes. Elle eût été même tout à fait compromise si, à lui comme à Alvensleben, n’était arrivé en temps opportun le secours sauveur.

Diverses fractions des VIIIe et IXe corps : la brigade Rex (XXXIIe ), la division Barnekow (XVIe), du VIIIe corps, le régiment Schoëning (11e grenadiers), la division du prince de Hesse (XXVe), les unes sur des ordres formels, les autres par leur initiative, s’étaient acheminées par Arry et Corny vers Gorze, et vers les bois et les hauteurs où la division Stülpnagel se débattait de plus en plus faiblement. Les grenadiers de Schoëning firent plus qu’un acte d’initiative, ils désobéirent. Leur général leur avait ordonné de retourner au bivouac ; mais, au moment même, arrivait un appel de Barnekow ; Schoëning consulte du regard ses officiers et, les voyant décidés à marcher, il tourne le dos au bivouac et monte sur le plateau. Par l’arrivée de ces renforts, la bataille se ranimait et redevenait menaçante pour notre gauche autant que dans la matinée.

Leur approche, signalée par un feu très nourri de mousqueterie, alarma Bazaine. Il s’en exagéra l’importance et crut que Steinmetz était sur le plateau et allait le tourner. De Rezonville, il vint placer lui-même les canons destinés à balayer les pentes qui, de Gravelotte, descendent vers les bois, et il fit

  1. Carnets du général Garcin publiés par la Revue des Deux Mondes du 1er août 1912.
  2. Lehautcourl, t. III, p. 345.