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Rheinbaben et Brandebourg, marchera droit sur la position de Ladmirault à Bruville, l’enlèvera et tournera la droite française. « Avancez, ordonne-t-il au général Kraatz, avec toutes vos forces disponibles, tambours battant, contre l’aile ennemie. — Ce mouvement, répond Kraatz, est impossible. »

Les choses en effet avaient changé de face par l’entrée en jeu de la division Cissey.


VII

Parti de la vallée de la Moselle le matin à sept heures quarante-cinq, Cissey s’était vite fatigué de suivre pas à pas les interminables convois derrière lesquels s’était engagée la division Grenier et qui comprenait le parc de réserve du 4e corps, l’ambulance et les bagages. Cette longue colonne d’impedimenta embarrassait la route et produisait de continuels retards. Ceux qui devaient mettre de l’ordre dans ce défilé s’arrêtaient pour boire ou allumer leur cigare ; les conducteurs en faisaient autant ; de longs intervalles s’établissaient entre les voitures[1]. La division Cissey n’avançait pas. Impatienté, les bois ne bordant pas la route, Cissey passe sur le flanc gauche du convoi avec son infanterie et ses trois batteries et marche à travers champs. Il avait arrêté (11 h.) ses troupes à Saint-Privat et leur avait fait préparer le café. Au bruit du canon, il fait renverser les marmites et se remet en route.

Un peu avant d’arriver à Doncourt, il rencontre l’officier de Ladmirault qui le presse de se hâter et de venir au secours de la division Grenier déjà engagée. Plus loin, il voit venir Berge, en quête de Ladmirault, qui lui communique les ordres de Bazaine. Cissey était déjà tout résolu à engager l’action. L’insistance de Berge l’anime encore. Il lui répond : « Je ne veux pas faire trotter mon infanterie. Mais je vais faire appeler de

  1. Bonnal, t. II, p. 170 : « La 1re brigade suit la route par Vernéville et Jouaville. La 2e sans aucun motif va jusqu’à Saint-Privat. — Pourquoi donc la division de cavalerie s’arrêtait-elle si souvent et causait-elle à l’infanterie des retards dans la marche ? Uniquement parce qu’elle ignorait les règles les plus élémentaires du service de sûreté. Au lieu de se faire précéder, à grande distance, par une avant-garde et de détacher au loin des flancs-gardes, la division de cavalerie avançait en bloc. Par suite, lorsque des bois, des villages, des hauteurs, situés à quelque distance de la route de marche, semblaient pouvoir receler l’ennemi, on y envoyait des patrouilles et. en attendant leur retour, la division faisait halte. »