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Le prince Frédéric-Charles avait pensé qu’aucun engagement sérieux n’aurait lieu ce jour-là. Il avait trouvé suffisant d’envoyer son IIIe corps sur Mars-la-Tour et il n’avait pas interrompu la marche de ses autres corps vers la Meuse, il était à table avec le prince Albert de Saxe lorsqu’il reçut un rapport du général Kraatz qui le tira de sa tranquillité : « Le IIIe corps est engagé au Nord de Gorze contre des forces supérieures ; le général Rheinbaben est sur les lieux avec 9 régimens de cavalerie et 4 batteries. La XXe division marche vers le champ de bataille, la XIVe est prévenue. » (2 heures.) Le prince saute à cheval et part au galop ; son état-major, en longue chaîne, ne pouvait le suivre de près. Il s’arrêtait de temps à autre et échangeait quelques mots avec des soldats ou des officiers blessés. Il écrit dans son carnet : « Sur le chemin de Novéant par Gorze, jusqu’au champ de bataille, ce fut un continuel hourrah de tous les blessés. »

Arrivé sur le champ de bataille à la droite du IIIe corps à trois heures quarante, il rencontre Stülpnagel, commandant la Ve division, qui est à pied ; il descend de cheval, l’interroge, l’écoute, examine longuement le champ de bataille et, comparant les petites réserves qui l’entourent aux masses françaises qu’il découvre, il sort de l’erreur dans laquelle il s’était reposé depuis le matin, et voit, lui aussi, que c’est toute l’armée française et non son arrière-garde, qu’il a devant lui. Il sent le péril, mais il reste impassible : il défend à Stütpnagel de prendre aucune offensive, et lui prescrit de se borner à garder sa position, tant que les renforts des VIIe et IXe corps ne sont pas arrivés. Afin que ses troupes soient solides jusque-là, il lance des officiers d’ordonnance qui galopent de tous côtés en criant : « Le prince est là ; il a amené huit bataillons frais ; tenez bon ! » Puis il se dirige à toute vitesse vers son aile gauche, notre droite, où il va trouver les XIXe et XXe divisions. Avec elles, il prendra l’offensive qu’il vient d’interdire à sa droite. Il s’installe sur le plateau au Sud de Flavigny, derrière de l’artillerie du IIIe corps (4 h. 3/4).

Il a d’abord une première vision de succès : la XXe division avait profité de la retraite de la division Grenier et s’était installée dans les bois de Tronville. Le prince veut aussitôt profiter de cet avantage par une offensive audacieuse comme toutes ses combinaisons. Partant des bois de Tronville et de Mars-la-Tour, la division Schwartzkoppen, soutenue par les divisions de cavalerie