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d’Ars. Elle atteindrait une double fin : elle couperait la retraite à Alvensleben, lorsque les 3e et 4e corps d’armée l’auraient rejeté sur la Moselle et, jusque-là, elle protégerait notre aile gauche contre les secours allemands venus de ce côté.


V

Ladmirault ne répond pas à l’attente de l’armée. Il devait être à Doncourt le 15 au soir ou le 16 au matin, et il n’avait quitté les bords de la Moselle que le 16 à cinq heures du matin avec les divisions Grenier et Gissey-La division Lorencez empêtrée dans les bois de Leussy ne s’était mise en marche qu’à deux heures.

Ladmirault n’avait pas pris la route de Lorry : malgré la défense qui lui avait été faite, il avait marché sur colle de Briey par Saulny. Il n’avait pas formé sa colonne avec les élémens combattans, et il avait intercalé entre ses divisions des convois qui auraient dû être laissés en arrière. Il s’était fait précéder de sa division de cavalerie, mais il ne l’avait envoyée ni au loin ni sur son flanc droit d’où l’irruption ennemie était à redouter ; il lui avait donné l’ordre de manœuvrer vers le Sud, de fouiller les bois de Vernéville, occupés par le IIIe corps, avec lequel elle échangea des coups de fusil. Il avait gêné sa marche par des évolutions intempestives, s’était garé sur la route de Briey, et son avant-garde arrivait à peine en pointe à neuf heures du matin à Amanvillers, et lui-même atteignait, avec deux escadrons et deux batteries, Doncourt à midi.

Son premier devoir était d’envoyer un ou plusieurs officiers à Bazaine et de l’avertir qu’il était là, de lui demander ses ordres, et de se mettre au moins en rapport d’opérations avec lui. Il manque à ce devoir et continue ainsi tout le reste de la journée. Canrobert et Le Bœuf expédient à chaque instant des officiers vers Bazaine ; Ladmirault, lui, ne parait pas se douter qu’il a un général en chef.

J’ose à peine indiquer, tant il est inouï, le motif que donne son officier d’ordonnance de la négligence de son chef : « Il n’avait garde (de demander des ordres) ; il ne se pouvait pas qu’il eût manqué de pressentir à quoi ces ordres eussent tendu. » Ainsi, un général de corps d’armée français se serait soustrait à la direction de son généralissime et aurait compromis l’armée