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Flavigny, etc., s’étaient retirées, la plupart sans esprit de retour. Par la suite, c’est-à-dire après cinq heures du soir, un certain nombre revinrent combler partiellement le vide créé par « la débâcle, » mais « elles ne parvinrent pas à rétablir la situation telle qu’elle était avant la charge Bredow. »

Cette débâcle de notre artillerie fut un des épisodes funestes de la journée. « Indépendamment de la dépression morale que la charge Bredow avait produite, il faut tenir compte du désespoir profond qu’éprouvèrent les officiers de l’arme en constatant, à la fois, l’énorme puissance de l’artillerie allemande, et l’inanité de leurs propres efforts[1]. » Le départ de l’artillerie laissa un vide de 1 200 mètres entre Rezonville et la voie romaine : Bazaine le combla en faisant appuyer sur ce point une partie de la division Aymard du corps d’armée de Le Bœuf.

Canrobert renonça à l’attaque sur Vionville, et il y eut un répit à notre aile gauche entre Rezonville et Vionville. La bataille essoufflée languit ; une accalmie de fatigue se produit ; on attend plus qu’on ne combat. Alvensleben attend l’entrée en ligne de Voigts-Rhetz (Xe corps) et Bazaine celle de Ladmirault. « Grâce, dit le général Soleille, à l’action vigoureuse de l’artillerie de la réserve générale et de la Garde d’une part, grâce, d’autre part, à l’énergique diversion de la cavalerie du général Forton, le combat avait été rétabli sur toute la ligne et on commença à attendre avec anxiété les 3e et 4e corps d’armée destinés à frapper le coup décisif sur le flanc gauche de l’ennemi[2]. »

Qu’à ce moment Ladmirault réponde à l’attente de l’armée, qu’il marche sur Mars-la-Tour et prenne à revers les défenseurs du bois de Tronville, Alvensleben, assailli de front et de flanc, ayant des débouchés difficiles pour les reculs de son artillerie, eût été rejeté sur la Moselle. La résistance têtue qu’il nous avait opposée tournait contre lui et la défensive sur laquelle nous nous tenions à gauche devenait une offensive qui ne s’arrêtait plus.

Toute l’armée tendait l’oreille vers notre droite. Bazaine entend le canon : il croit que c’est celui de Ladmirault ; il se met en mesure de le seconder. Il emprunte la division Montaudon au 3e corps ; il l’envoie par Gorze détruire les ponts

  1. Général Bonnal.
  2. Journal des Opérations du général Soleille.