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la brigade Bredow comprenant le 7e cuirassiers et le 16e uhlans, 8 escadrons, 900 cavaliers.

Avec ces élémens, Alvensleben veut tenter un dernier effort : « L’ascendant que le IIIe corps avait pris jusqu’ici sur l’ennemi, paraissait menacé par les préparatifs d’offensive qu’on remarquait contre la VIe division... Un mouvement de retraite éventuel avait été prévu et envisagé. Mais la pensée d’abandonner à l’ennemi le champ de bataille avec nos blessés était insupportable... Renoncer à l’ascendant moral eût été, pour l’issue de la journée, un risque devant lequel d’autres ne comptaient pas. Je résolus de prévenir l’adversaire par une nouvelle attaque de cavalerie, car la VIe division d’infanterie n’en était plus capable... »

Il envoie à Bredow l’ordre de charger ; celui-ci hésite, lanterne, n’obéit qu’à des insistances répétées. Enfin il a la singulière idée de s’affaiblir, alors qu’il est déjà trop faible et d’éliminer deux escadrons qu’il envoie dans le bois de Vionville, déjà occupé par l’infanterie allemande, et il part réduit à 700 hommes (2 h. 30). Il passe, formé en colonne, le creux évasé qui s’ouvre depuis Vionville, fait un quart de conversion à droite, franchit le versant Est et se développe sur un front unique, à découvert. Il galope à toute bride. Quatre batteries allemandes, postées à l’Ouest de Vionville, balaient le terrain devant lui. « Accueillie à courte portée par un feu terrible d’artillerie et de mousqueterie, la brigade se précipite en muraille sur nos lignes ; elle les culbute, se jette au milieu de nos batteries, tue les servans, met les bêtes en fuite, cause une inexprimable confusion dans l’infanterie. Aucune force ne paraît devoir l’arrêter, lorsque surgit devant elle la division Forton immobile depuis sa déroute du matin et brûlant de la réparer. La division de cavalerie Valabrègue la rejoint, elles abordent les escadrons haletans, et, à bout de course, les prennent de front, de flanc et de revers. Bredow fait sonner le ralliement ; à son tour, la chevauchée de la mort est obligée de reculer. On voit le pendant de la charge anglaise de Balaclavaen Crimée. Les malheureux, criblés de projectiles, sont obligés de repasser, en fuyards effarés, par la route qu’ils ont suivie en ouragan victorieux. Ils y sèment la moitié de leur effectif.

Néanmoins, leur sacrifice n’avait pas été inutile : dix-neuf de nos batteries, sur vingt, qui étaient déployées face à Vionville,