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d’Alvensleben permettaient de croire considérables. Il les croit telles. Il n’espère pas mettre en déroute ces forces accumulées ; il se contentera de maîtriser leur audace et de les empêcher de prendre possession du plateau sur lequel nous campons. S’il ne maintient pas vigoureuse la résistance de sa gauche, les Allemands se glisseront entre Rezonville et Metz ; ils accentueront leur attaque de front vers Mars-la-Tour ; ils nous prendront entre deux feux et empêcheront notre retraite aussi bien sur Metz que sur Verdun. C’est de notre droite libre, compacte, ayant peu de monde devant elle, qu’il faut attendre la solution heureuse, c’est par elle que se décidera la bataille.

Alvensleben a pensé aussi que c’est de ce côté, à notre droite et à sa gauche, qu’est le danger pour lui d’une défaite. Il s’y établit : « La place du médecin, dit-il, est au chevet du malade. » Et le malade était la chaussée de Vionville-Mars-la-Tour. Bazaine, lui, ne croit pas devoir se transporter à sa droite, quoique ce soit là que se donnera le coup de poing de la fin ; car il craint que sa gauche ne s’effondre s’il ne la soutient de sa présence. Ce qui lui paraît impossible ne lui semble d’ailleurs pas nécessaire. A sa droite est Ladmirault, réputé dans toute l’armée un chef de premier ordre, au coup d’œil sûr et rapide, à la résolution intrépide : Bazaine a en lui une confiance entière[1]. Ladmirault verra ce qui est évident, la manœuvre qui s’impose et il prendra l’initiative indiquée. Néanmoins il eût voulu stimuler son zèle par une direction. Mais où le trouver ? Il n’a donné signe de présence nulle part. Il devait être à Doncourt le 15 au soir, au plus tard le 16 au matin. Il n’y est point-S’est-il égaré ? A-t-il eu quelque rencontre imprévue ? Bazaine envoie plusieurs officiers s’enquérir ; d’autres vont vers Le Bœuf le presser de rassembler ses divisions.

Tandis que Bazaine se préoccupe de sa droite, sa gauche lui donne le spectacle d’une défaite imminente. Les Allemands continuent à progresser ; ils reprennent définitivement Flavigny et y tiennent la corde du vaste arc de cercle qu’ils dessinaient primitivement autour de Rezonville. Leur attaque, tournée vers l’Est, s’est assuré à Flavigny une base sérieuse. Vergé et

  1. Rapport du maréchal Bazaine sur la bataille de Rezonville : « Je comptais sur la vieille expérience du général Ladmirault pour accourir au canon et soutenir le mouvement tournant du 3e corps en avant duquel il devait alors se trouver. »