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reculent, les uns se mettent en fuite, les plus braves se couchent par terre, mais les fusées percutantes viennent éclater sur leurs corps. Peu à peu, les rangs se vident ; ils disparaissent du terrain où d’autres fractions viennent les remplacer, jusqu’à ce qu’elles les imitent. Nos soldats avaient beau être aussi intrépides que soldats le furent jamais, et leurs généraux aussi résolus que l’ont toujours été des généraux français, ils ne pouvaient, privés du secours de notre artillerie impuissante, arrêter leurs troupes, ravagées par des obus qui les atteignaient à plus de 4 kilomètres. Et certainement, si nos troupes, malgré leurs qualités exceptionnelles, n’avaient eu à leur tête des généraux dont aucune épreuve ne fit fléchir le courage, elles auraient été anéanties.

Les Allemands, à la suite de nos reculades non interrompues, vont de l’avant. Mangin ne réussit pas à prendre les hauteurs de la Vierge ; la division Lafont de Villiers (de Canrobert), accourue spontanément au secours, tente aussi en vain d’occuper le bois de Tronville. Elle ne parvient qu’à empêcher les occupans de s’étendre au delà. Vionville et Flavigny sont aux ennemis.


III

Bazaine, informé de la mauvaise tournure du combat, quitte son quartier général et galope vers Frossard. En passant, il a un mot pour chacun ; l’aspect de son visage impassible et la tranquillité souriante avec laquelle il se meut sous les balles et les obus, réconforte les troupes. Il place les bataillons et les batteries, pointe les pièces, excite les tambours à battre plus fort. Le calme de sa parole donne l’impression d’un véritable chef et inspire confiance. « Par la fermeté de son attitude, dit le recours en grâce de ses juges, il maintient le centre de sa ligne de bataille. » Il ordonne de recommencer les offensives et Flavigny est repris. Il ne se laisse émouvoir ni absorber par les affaissemens trop explicables auxquels il essaie de parer ; il ne se réduit pas au rôle d’entraîneur d’un corps d’armée entamé ; il se souvient que généralissime il doit pourvoir également à la direction de toutes les fractions et de l’ensemble.

Devant lui est un rideau de forces allemandes que la configuration du terrain couvert de bois et les attaques audacieuses