Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/731

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cependant il n’est pas effrayé. Il contre-balancera la disproportion de forces par le poids moral de l’attaque. Il attaquera partout, à outrance, sous toutes les formes, et il nous fera croire que nous avons devant nous, non deux divisions, mais une armée. Cette volonté indomptable d’attaque eut été bientôt brisée, malgré sa ténacité épique, si la lutte s’était circonscrite entre les deux infanteries. Mais il avait dans son artillerie un instrument d’une puissance supérieure, il en fera le facteur principal de sa volonté. Cette artillerie était telle que cent de ses canons pouvaient contre-balancer l’effet de quatre cents pièces françaises. Le IIIe corps prussien avait donc la certitude qu’en restant groupé sur un terrain favorable, il obtiendrait la supériorité du feu sur l’artillerie qui lui serait opposée directement, celle-ci dût-elle comprendre toutes les batteries de l’armée de Lorraine[1].

Alvensleben prescrit à son infanterie de n’aborder l’ennemi qu’après que l’artillerie aura commencé son œuvre. Elle évitera de se présenter en formations en masse aux balles de nos chassepots, elle lancera en avant une ligne très étendue et peu compacte, derrière laquelle elle se couvrira jusqu’à ce qu’elle soit à portée de se servir utilement de ses armes. L’artillerie elle-même ne devra agir qu’en masse, en réunissant le plus grand nombre de ses batteries quand le terrain le permettra, ne laissant entre elles que l’espace nécessaire à y établir de l’infanterie de soutien.

Alvensleben débute par réparer l’erreur qu’il avait commise quand, croyant n’avoir affaire qu’à notre arrière-garde, il avait séparé ses deux colonnes, et augmenté la distance entre elles en ordonnant à la division Buddenbrock de poursuivre sur Jarny par Mars-la-Tour, afin de couper notre arrière-garde de son gros. Par un mouvement de conversion rapide à droite, il rapproche la division Buddenbrock de la division Stülpnagel et les met l’une et l’autre en mesure de se soutenir.

La lutte s’engage : Stülpnagel contre Lapasset et Vergé ; Buddenbrock contre Bataille. La brigade Mangin va occuper Vionville et Flavigny, face au Sud ; elle est appuyée là par la brigade Fauvart-Bastoul ; sa ligne se prolonge vers l’Est par les deux brigades Valazé et Jollivet. Canrobert aurait pu alors, sans effort, s’emparer des bois de Tronville, dont la possession aurait

  1. Général Bonnal, p. 155.