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Gorze et arrive sur Vionville, l’autre qui, par les Baraques, va directement sur Mars-la-Tour. Il engage (7 h. 1/2) la Ve division Stülpnagel sur la route de Vionville et lui-même, à la tête de la VIe division Buddenbrock suivie de l’artillerie de corps, se dirige vers Mars-la-Tour. Les deux colonnes, séparées par quelques kilomètres, ne peuvent se soutenir instantanément, mais la configuration du terrain boisé est favorable à une marche dérobée. Alvensleben recommande expressément à la division Buddenbrock de ne pas se montrer avant que la division de cavalerie Mecklembourg ait atteint le plateau et puisse entrer en action. Il se croyait sur de nous surprendre. Mais une intervention imprévue déconcerte ses calculs. Le commandant du Xe corps, Voigts-Rhetz, avait prescrit, sans l’avertir, à la division de cavalerie Rheinbaben de saisir toutes les occasions d’aborder l’ennemi, et Rheinbaben s’y était décidé à la nouvelle de l’approche d’Alvensleben. Les trois brigades de sa division, Redern, Bredow, Barby, ouvrirent le feu de leur artillerie sur la brigade Murat (9 h. 15).

Cette attaque était téméraire. Les batteries prussiennes, encadrées à leurs ailes par trois régimens de cavalerie seulement, ne la pouvaient soutenir. Il eût suffi à ce moment que Forton se lançât au galop sur la tête de la colonne prussienne : il l’eût rejetée en désordre dans les bois. Mais Forton était, comme tout le corps d’armée de Frossard, dans une parfaite quiétude. Des renseignemens contradictoires de nos reconnaissances résultait le sentiment que l’ennemi n’était pas là en forces, et Forton croyait n’avoir personne devant lui. Quoiqu’il lui eût été recommandé de tenir ses chevaux harnachés, il les avait fait desseller, conduire à l’abreuvoir par les hommes en bras de chemise et lui-même déjeunait tranquillement. La canonnade prussienne produit une véritable panique : les chevaux sans cavaliers balayent tout, passent à travers les tentes, les culbutent ; ils se heurtent aux bagages de la division, ils s’accumulent sans pouvoir passer et deviennent par leur masse le point de mire de l’artillerie prussienne qui redouble son feu dans le tas.

La débandade est accrue par l’arrivée de la division de cavalerie Mecklembourg, retardée par les difficultés de la traversée de la Moselle. Elle criblait à son tour le corps de Frossard du haut d’un mamelon sur le chemin de Flavigny à Gorze. Rheinbaben avait là l’occasion merveilleuse d’une mémorable