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les devancer, de les refouler vers Metz. Avant toute instruction, il prend sur lui de rapprocher ses troupes de la rivière. A six heures trente du matin, le 15, il rend compte à Frédéric-Charles de son initiative. Le prince est frappé de ses argumens, mais, moins résolu, il n’ose sortir de l’immobilité prescrite par le Roi et à neuf heures et demie il renouvelle l’ordre de faire halte. Alvensleben n’en continue pas moins à avancer. Frédéric-Charles lui-même, sur de nouveaux rapports, se décide vers midi à adopter l’avis de son lieutenant et demande au Roi l’autorisation de franchir la Moselle.

Après une visite du Roi sur le champ de bataille de Borny, on avait enfin au quartier général vu ce qu’Alvensleben avait aperçu, que les Français se retiraient sur la rive gauche, et qu’il fallait combiner un large mouvement enveloppant jusqu’au delà de la Meuse avec une attaque immédiate sur la route de Metz à Verdun. On accorde donc au prince l’autorisation de marcher ; on remet à sa disposition les IIIe, IX, XIIe corps qu’on lui avait retirés et le prince permet à Alvensleben de passer la Moselle.

Mais tout en admettant l’urgence de gagner la route de Verdun, convaincu qu’il n’y trouvera plus que l’arrière-garde des Français et que le gros de leurs forces, ayant déjà passé Mars-la-Tour, sera en marche vers la Meuse, le prince juge que c’est vers les défilés de cette rivière, et non sur la route de Verdun, qu’il convient de se concentrer. Dans son ordre du jour du 15 au soir, il dirige sur la route de Verdun le IIIe corps qui devra gagner, par Novéant et Gorze, Mars-la-Tour et Vionville. La VIe division de cavalerie, passant par Thiaucourt, le précédera. Le reste de la IIe armée est éparpillé de manière à utiliser toutes les voies qui mènent à la Meuse.

Alvensleben franchit la Moselle à une heure avancée de la nuit (15-16 août) et se met immédiatement (2 h. du matin) en mesure de gagner la route de Mars-la-Tour. Nous y trouvera-t-il encore à cinq heures ? Serons-nous en avant ou en deçà ? Serons-nous en masse, ou ne serons-nous qu’une arrière-garde en retraite ? Il l’ignore, car si nous ne sommes pas renseignés sur les mouvemens des Prussiens, eux ne le sont pas davantage sur les nôtres. Il ira voir lui-même. Il n’attend pas que son généralissime lui indique les routes par lesquelles il doit passer, il sait les trouver tout seul. Au milieu d’une foule de sentiers et de chemins, il en est deux praticables : l’une qui passe par