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LA GUERRE DE 1870[1]

LA BATAILLE DE REZONVILLE


I

On a parlé des hésitations de notre commandement ; dans l’armée allemande, ce fut bien pis. Les journées du 14 et du 15 août ne sont qu’ordres, contre-ordres, se croisant, se contre-disant, s’annulant ; — Moltke avait d’abord songé à accorder à son armée une journée de repos, mais il crut à l’imminence d’une attaque de notre part et il la tint en haleine. Il n’arrivait pas à se rendre compte de quel côté viendrait cette attaque et il suspendit ses décisions aux nôtres. Par momens, il croyait que nous opérerions par la rive droite et immobilisait de ce côté cinq corps d’armée et quatre divisions de cavalerie, ou bien il nous supposait en marche sur Verdun, et il prescrivait le passage de la Moselle. Chacun était impatient d’agir, et personne ne savait si ce serait à droite ou à gauche. Alvensleben, commandant du IIIe corps, aperçoit le premier la réalité. Il était couché, souffrant ; à la nouvelle de la bataille de Borny, il se lève et dit : Marchons ! Il a deviné que les Français n’opéreront pas leur mouvement par la rive droite de la Moselle, qu’ils ont dû franchir le fleuve et s’élever sur le plateau de la rive gauche, mais que ce mouvement ne doit pas être achevé : traverser le canal, le fleuve, les rues étroites de Metz, gravir les hauteurs demandait du temps, et, en agissant rapidement, on avait chance de

  1. Voyez la Revue du 1er juin.