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dans son département, un discours ingénieux, où il n’a pas encore dépouillé tout embarras et qui lui permettra de se retourner dans un sens ou dans l’autre, suivant les circonstances. Pour lui néanmoins, la nécessité d’augmenter notre force militaire est hors de cause et il ne peut y avoir de contestation que sur le meilleur moyen à y employer. Il a inventé un mot qui a fait le tour de la presse, en disant qu’il fallait mettre à notre organisation militaire une « rallonge, » Va pour la rallonge : toute la question est de savoir quelle en sera la longueur. Le gouvernement demande qu’elle porte la durée du service à trois ans, c’est-à-dire à 36 mois. D’autres demandent 30 mois. D’autres encore se contenteraient de 29. D’autres enfin de 28. M. Caillaux n’a pas dit à ce sujet son dernier mot, ni même son premier d’ailleurs : on ignore encore à quel chiffre il s’arrêtera, et qui sait s’il n’accepterait pas le service de trois ans, à la condition de le faire lui-même ? Rien ne l’en empêche dans son discours, puisqu’une rallonge peut avoir toutes les dimensions qu’on voudra. Il reste acquis que les hommes les plus intelligens du parti radical reconnaissent, en face des armemens allemands, la nécessité de se mettre à niveau. Ils se montrent de plus très frappés de l’inconvénient si grave que nous avons signalé dans la loi de 1905, à savoir que, pendant six mois au moins, d’octobre en avril, notre armée n’est pas mobilisable parce qu’elle se compose d’une classe qui est encore insuffisamment instruite et d’une autre qui ne l’est pas du tout. Il faut, disent-ils, assurer la « liaison des classes, » c’est-à-dire que celle qui a terminé ses deux ans ne s’en aille pas tout de suite et reste le temps indispensable pour dégrossir la nouvelle. Restera-t-elle six mois, cinq mois, quatre mois ? On diffère sur le chiffre, mais on convient qu’il doit y en avoir un et qu’il ne peut pas être le même pour la cavalerie et pour l’infanterie. Un autre système consisterait à échelonner les classes en fractions qui entreraient successivement sous les drapeaux et en sortiraient de même, avec des intervalles de six mois, de manière à éviter, à un même moment, le départ total de la classe la plus instruite. C’est déjà quelque chose d’en être venu à ce point, et, quand même la campagne qui vient d’être faite aurait abouti à ce seul résultat, il ne serait pas négligeable. A nos yeux toutefois, comme à ceux du gouvernement, il n’est pas suffisant : les trois ans sont nécessaires, et la discussion le prouvera. Grâce à Dieu, la majorité de la Chambre n’est pas exclusivement composée d’hommes qui veulent être ministres, ou qui soient en passe de le devenir. Le débat sera difficile, long, acharné : nous espérons pourtant que la Chambre, sans s’arrêter aux sous-enchères