Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/721

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était morte. 74 voix sont pourtant une majorité, appréciable ! Après le second, il s’est tu. Sur l’ordre du jour lui-même, c’est-à-dire sur le fond, la majorité du gouvernement était élevée à 167 voix. Quelques jours plus tard, sur le vote du crédit demandé pour le maintien de la classe, elle a été de 221. Ces oscillations sont sans doute un peu déconcertantes : on ne nous croirait pas si nous disions que les 221 voix du gouvernement constituent un bloc inébranlable. M. Barthou a cependant mérité sa victoire par la fermeté de son attitude et l’énergie de son affirmation. Son succès a été très vif. C’était assurément son devoir de parler net : mais il l’a rempli de manière à décourager ceux qui espéraient de lui une transaction qui aurait affaibli la vertu de la loi ou, plus simplement encore, un recul. Ce n’est pas seulement son existence que le gouvernement a attachée au maintien intégral de la loi, c’est son honneur.

Cependant, en dehors du parti, socialiste mais d’accord avec lui, le parti radical s’était mis en campagne. Au premier moment, il avait été un peu déconcerté par la rapidité avec laquelle le gouvernement avait déposé son projet de loi et par le mouvement favorable qui s’est produit dans l’opinion, mais il n’a pas tardé à se ressaisir. La rapidité dont nous parlons n’a été qu’à l’origine ; les vacances de Pâques sont venues et elles ont été longues ; les radicaux en ont profité pour faire contre la loi un travail d’abord souterrain, un peu timide et équivoque, qui s’est progressivement changé en une opposition ouverte. Il ne faut pourtant pas confondre ici les radicaux avec les socialistes. Ces derniers ne veulent ni du service de trois ans, ni du service de deux : ils n’en veulent aucun. Les radicaux n’en sont pas là. Quelques-uns d’entre eux s’y laisseraient peut-être assez facilement entraîner, mais les hommes qui comptent dans le parti ont un sens plus exercé de la réalité. Ils ont été ministres, ils aspirent à le redevenir et ils savent fort bien que, s’ils le redeviennent, ils seront obligés de prendre, pour assurer la sécurité du pays, des mesures qui ne s’éloigneront pas beaucoup de celles que propose le gouvernement actuel. il faut bien pourtant qu’ils se distinguent de ce gouvernement ; sans quoi, comment pourraient-ils s’offrir pour le remplacer ? M. Caillaux, M. Paul-Boncour, M. Messimy se sont donc donné pour tâche de faire un contre-projet qui, tout en s’inspirant des mêmes principes que celui du ministère, n’irait pas tout à fait aussi loin dans l’application et donnerait ainsi quelque satisfaction aux socialistes de manière qu’ils pussent le voter finalement comme un pis aller.

M. Caillaux s’est chargé de conduire la manœuvre. Il a prononcé,