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circonstances ne seraient certainement pas changées en septembre prochain, que les prévisions qu’on peut dès maintenant former sur les armemens allemands seraient réalisées alors sans aucun doute et que, si on attendait jusqu’à la dernière heure pour prendre les dispositions que nécessite le maintien d’une classe sous les drapeaux, le temps manquerait pour le faire utilement. En effet, nos casernes actuelles, pour ne parler que de cela, sont trop étroites pour contenir plus de deux classes, et il n’y a pas un jour à perdre si on veut être prêt, dans quelques mois, à recevoir l’apport d’une troisième ; il faut y pourvoir dès maintenant.

Ces considérations d’ordre pratique et matériel devaient faire impression sur la Chambre, mais elles n’auraient pas suffi à déterminer son vote. Sans doute, pour loger et entretenir trois classes au lieu de deux, certaines dispositions préalables sont indispensables ; mais faut-il trois classes ? Inévitablement la question se posait dès le premier jour. On ne l’a pas traitée à fond ; le moment n’en était pas encore venu ; mais le service de trois ans était dans tous les esprits et, quand le vote a eu lieu, c’est bien sur lui qu’il a porté. M. Jaurès a accusé le gouvernement d’appliquer la loi avant qu’elle fût faite, et M. Barthou a répondu que la discussion de cette loi serait parfaitement libre et que la Chambre y consacrerait tout le temps qu’elle voudrait. Ils avaient raison tous les deux. A coup sûr, il n’entre pas dans les intentions du gouvernement d’écourter le débat et, quand bien même il le voudrait, il ne le pourrait pas ; on n’a pas encore trouvé le moyen de mettre un bâillon aux Chambres et de les empêcher de parler. La discussion suivra donc son cours normal et prendra vraisemblablement de longues séances. Il n’en est pas moins vrai que le vote par lequel la majorité a approuvé la résolution du gouvernement de retenir la classe libérable en septembre avait le sens d’un vote de principe. Personne ne s’y est mépris. Les adversaires de la loi ont mis la plus grande véhémence à combattre l’ordre du jour qui approuvait le gouvernement. Ils en ont proposé un autre qui contenait un blâme plus ou moins enveloppé. Un premier scrutin a eu lieu sur la priorité : le gouvernement a eu une majorité de 74 voix. Il est arrivé alors ce qui arrive souvent dans les Chambres : un premier vote sert à se tâter, à se reconnaître, avoir ouest la majorité et, quand on l’a vu, on s’y porte. Nous ne donnons pas cela comme un grand exemple de courage civique : c’est seulement un fait d’observation. Les moutons de Panurge sont de tous les temps et de tous les lieux. Après ce premier vote, M. Jaurès s’est écrié triomphalement que la loi