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qu’elle s’était mêlée de ce qui ne la regardait pas et avait appuyé lourdement sur des points qui restent sensibles aux deux pays. Quelle a été la conséquence ? Un rapprochement que tout le monde souhaitait ? Tout au contraire : dès le lendemain de la Conférence, le gouvernement allemand a déposé un projet de loi qui resserre encore ce joug de fer imposé à l’Alsace-Lorraine en autorisant par simples décrets la dissolution des sociétés qui auraient déplu et l’interdiction des journaux écrits en langue française. Nous n’avons pas à apprécier ici la politique du gouvernement impérial à l’égard de l’Alsace-Lorraine ; évidemment la générosité française en aurait conçu une autre qui aurait probablement été plus habile ; mais on ne peut pas attendre des gens qu’ils sortent de leur caractère ; or le caractère des Allemands les porte à frapper sur l’Alsace-Lorraine dès que nous lui témoignons publiquement de l’intérêt. C’est ce dont nos socialistes ne s’étaient pas avisés, en quoi ils ont mal servi les intérêts du pacifisme. Les socialistes veulent la paix à tout prix ; mais, quand il s’agit de l’assurer, ils n’ont pas la manière. Il semble bien que le gouvernement allemand ne l’ait pas non plus en Alsace-Lorraine. Nous admirerons sa politique à l’égard des deux provinces quand elle aura réussi : cela nous donne du temps.

Il est peu probable, lorsqu’on discutera la loi de trois ans, que les socialistes invoquent leur succès de Berne pour influencer le vote de la Chambre. La discussion n’est pas encore commencée ; cependant, une première passe d’armes a eu lieu et le résultat en a été significatif. Le gouvernement, comme il en avait annoncé l’intention pendant les vacances parlementaires, a notifié aux Chambres, dès leur rentrée en session, la résolution qu’il avait prise de retenir sous les drapeaux, au mois de septembre prochain, la classe qui, ayant fait deux ans, était libérable à cette époque. L’article 33 de la loi de 1905 lui donne le droit de le faire, à titre provisoire, lorsque les circonstances l’exigent. L’exigent-elles ? Au mois d’octobre prochain, l’armée active allemande comptera 180 000 homme de plus : un gouvernement français, quel qu’il soit, à quelque parti qu’il se rattache, de quelques élémens qu’il se compose, pourrait-il rester inerte en présence d’une situation pareille ? En tout cas, le gouvernement actuel n’a pas cru devoir le faire et, sous sa responsabilité qu’il a hautement revendiquée, il a décidé de retenir la classe libérable. On lui a demandé pourquoi il prenait sa décision dès aujourd’hui, alors que cinq mois nous séparent encore du moment où elle devra être exécutée ; à quoi il a répondu, et sa réponse était toute simple, que les