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détruit. Cette résolution avait produit quelque effet à notre avantage, effet qui n’avait pas été effacé, quoiqu’il eût été un peu atténué, par les lenteurs qui avaient suivi et qui durent encore. On restait convaincu, malgré tout, que la loi de trois ans serait votée. Et voilà que, tout d’un coup, l’opposition à la loi, qui est légitime partout ailleurs, — car tout le monde n’est pas obligé d’avoir le même avis sur une grande réforme militaire, — se manifeste dans l’armée elle-même sous la forme que l’on sait. Si les auteurs de ce mouvement n’ont pas prévu qu’il serait exploité, ils sont bien légers ; s’ils l’ont prévu, ils sont bien coupables. Ils donnent contre nous des armes morales à l’Allemagne, qui se charge de s’assurer les armes matérielles. Ils augmentent sa force, et amoindrissent la nôtre. Ont-ils bien réfléchi à toutes les conséquences de leur propagande ? Ils ont rendu encore plus nécessaire le service de trois ans, qu’ils voulaient empêcher. S’il n’était pas voté, les pouvoirs publics auraient l’air d’avoir reculé devant les pires des séditions et les mutineries militaires deviendraient un des élémens de notre vie politique comme les grèves le sont devenues de notre vie économique. On nous surveille du dehors, on nous observe, on ne sait plus trop ce qu’on doit attendre de nous. Dès le premier jour, nous avons écrit que, si la loi de trois ans échouait, nous deviendrions, après tout le bruit que nous en avons fait, la risée de nos adversaires. Ils affectaient déjà de dire que tout en France était feu de paille et qu’après une grande flamme il n’y restait qu’un peu de cendre et de fumée. Que diraient-ils maintenant ?

Qu’on nous permette d’ouvrir ici une parenthèse pour revenir sur un passé qui, vieux de quelques jours, paraît l’être seulement davantage à cause de tous les événemens qui se sont succédé et accumulés depuis : nous voudrions dire un mot de la Conférence de Berne et de ses suites, parce qu’elles n’ont pas été sans influence sur l’état de l’opinion en Allemagne et en France, ni, semble-t-il, sur les résolutions du gouvernement impérial.

On sait ce qu’a été la Conférence de Berne qui a réuni des parlementaires français et des parlementaires allemands dans la proportion de quatre contre un. Quelques Suisses, pavés de bonnes intentions, mais qui n’avaient d’ailleurs aucun mandat pour cela, ont invité les parlementaires des deux pays à se réunir chez eux pour chercher les meilleurs moyens d’amener un rapprochement entre Paris et Berlin. Aussitôt nos pacifistes ont assuré que l’invitation venait du gouvernement helvétique lui-même, du Conseil fédéral, ce qui était manifestement faux ; mais ils n’y regardent pas de si près. Le gouvernement