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M. Atwater avec l’hypothèse d’une énergie non seulement transformée, mais même consommée en grande quantité dans les opérations intellectuelles. Quelques comparaisons feront comprendre notre pensée. Lorsqu’un fumeur imprudent fait sauter une poudrière, il n’y a aucun rapport entre l’énergie correspondant à la chaleur de combustion de l’allumette qu’il a négligemment jetée, et le travail formidable mis en jeu par l’explosion. C’est que l’énergie libérée par celle-ci existait déjà à l’état latent, à l’état potentiel, dans la poudre. Il suffisait d’une intervention infiniment petite pour la déclancher. Autre exemple : dans la télégraphie sans fil, une onde électrique très faible rend soudain conducteur de l’électricité la limaille métallique du cohéreur ; si celui-ci se trouve sur le circuit d’une batterie colossale d’accumulateurs, cette batterie fonctionnera soudain, mettant en Jeu des puissances formidables et hors de toutes proportions avec celle de l’onde excitatrice. Rien ne prouve que les phénomènes de la vie psychique ne soient pas ainsi déclanchés par de faibles excitations et ne mettent en jeu des quantités énormes d’énergie qui existaient à l’état potentiel dans l’organisme vivant. L’expérience de M. Atwater ne saurait rien prouver au sujet de cette énergie-là.

C’est ainsi que la science, à l’heure actuelle, n’est pas en état d’apporter dans un sens ou dans l’autre une réponse précise à la question du déterminisme psychologique.


Au fond, lorsqu’on examine d’un œil froid les tendances divergentes qui se partagent la philosophie biologique, une chose frappe par-dessus tout : c’est l’incompréhension réciproque et l’immodestie attristante des doctrinaires des systèmes rivaux. Les uns et les autres oublient que c’est folie de vouloir enfermer l’univers dans quelques raisonnemens, et que le contenu ne saurait exprimer tout le contenant.

Quelque rapides que soient les travaux d’approche par lesquels le matérialisme pense s’emparer un jour de tout le monde de la vie et avec lui de l’univers psychique, nous avons vu que ce résultat ne sera jamais atteint. Mais supposons qu’il dût l’être dans quelques centaines de siècles, et qu’alors tous les actes de la vie et les arcanes de la pensée aient été réduits humblement à des processus physico-chimiques et forcés à passer sous le joug et la loi de la matière inanimée, ce jour-là il ne restera plus qu’à savoir ce qu’est la matière. Or nous commençons à connaître que nous n’en savons rien ! Lorsque les physiciens