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propre. Partant de là et de ce que les sujets de M. Atwater se sont livrés durant l’expérience à diverses opérations intellectuelles, M. Armand Gautier conclut avec beaucoup de force que, non plus que l’entretien de l’état de vie, les phénomènes de conscience, de pensée et de volonté qui constituent la vie supérieure ne correspondent à aucune consommation d’énergie, et que, par suite, ils sont immatériels et ne sont pas de même nature que l’énergie des physiciens.

Il est à craindre que, malgré sa rigueur, la démonstration de M. Armand Gautier ne convainque pas ses adversaires, et cela pour la même raison qui permet d’échapper facilement aux affirmations de ceux-ci : je veux dire l’imperfection, si petite soit-elle, des résultats expérimentaux. L’écart inévitable qui existe entre les résultats numériques d’une expérience et ceux que prévoyait la théorie fournit toujours une échappatoire qui laisse le moyen d’incriminer indifféremment soit l’imperfection de l’expérience, soit celle de la théorie.

En premier lieu on peut, comme l’a fait M. Matisse (Rivista di Scienza, t. XI, 1912, p. 424-430), interpréter les résultats de M. Atwater d’une manière différente de celle de M. Gautier : si les faits de volition, les actes de raison ne consomment pas d’énergie, rien ne prouve qu’ils ne correspondent pas à une transformation d’énergie. L’énergie fournie par les alimens coule dans les organes comme une rivière à travers un moulin. Leur fonctionnement n’est qu’une des phases successives des formes transitoires que l’énergie prend entre son entrée dans l’organisme sous forme d’alimens combustibles et sa sortie sous forme de chaleur. Rien ne prouve qu’il n’en soit pas de même pour la pensée et que celle-ci ne se comporte pas comme une roue dentée intercalée dans le mécanisme du moulin. Une machine quelconque n’est qu’un chemin le long duquel l’énergie chemine ; la machine elle-même ne fait que transmettre l’énergie ; elle n’en consomme que si elle subit une modification dont le maintien nécessite une absorption de travail.

A ce titre, il est certain que, parmi les phénomènes intellectuels, la mémoire occupe une place à part, car elle correspond à une modilication permanente de l’individu ; elle est, si j’ose dire, une opération endothermique. Mais nous avons vu que dans l’expérience de M. Atwater, il s’en faut d’un huit-millième que l’énergie recueillie à la sortie ne soit égale à ce que veut la théorie. Cette petite différence ne correspond-elle pas précisément à l’énergie absorbée dans l’organisme par les phénomènes de mémoire ?

Et puis, il y a encore une autre manière de concilier le résultat de