Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/707

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La parthénogenèse expérimentale constitue une emprise nouvelle du physique sur le métaphysique. « C’est (Dastre, la Vie et la Mort, p. 42) dans l’étude des phénomènes par lesquels l’organisme se construit et se perpétue, c’est sur le terrain des fonctions de la génération et du développement, que les doctrines philosophiques s’étalent et fleurissent. Voilà où est la frontière actuelle de la philosophie et de la science. »

Ces recherches sont d’ailleurs étroitement liées à celles que les physiologistes poursuivent en ce moment en vue d’élucider les mystères de l’hérédité. Les limites de cette étude ne nous permettent pas d’en parler aujourd’hui. Aussi bien avons-nous seulement voulu montrer par un exemple que la barrière un peu arbitraire, élevée par les vitalistes, entre les phénomènes de la matière brute et ceux dont les organismes sont le siège, semble devoir reculer sous la poussée des faits. Est-ce à dire qu’un jour viendra où cette barrière sera brisée ? Nous avons déjà montré que cela est à peu près impossible. Mais en poussant même les choses au pire... comme dirait un vitaliste, au mieux… comme dirait un physico-chimiste... à l’extrême, comme nous dirons simplement, en nous allégeant de toute doctrine tendancieuse ; en admettant, dis-je, que jamais cette barrière dût être anéantie et l’hypothèse vitaliste balayée, y aurait-il là de quoi attrister vraiment ceux qui redoutent de voir l’esprit écrasé par la matière ? La conclusion de cette étude montrera combien une pareille crainte serait peu fondée. Mais auparavant nous devons revenir sur certaines affirmations d’une singulière hardiesse dont M. Loeb a accompagné l’exposé de ses récentes recherches et sur les controverses qu’elles ne pouvaient manquer de soulever, et que nous examinerons d’un point de vue exclusivement scientifique.

Si la plupart des savans ont éprouvé à toute époque une vive prédilection pour la doctrine mécaniciste ou physico-chimique, « en tant qu’elle confond, comme dit M. Dastre, l’ordre vital avec l’ordre physique, en revanche les résistances et les contradictions ne se manifestent qu’à propos de l’ordre psychique. » En face des savans qui, comme M. Loeb, veulent réduire le phénomène de la pensée à un phénomène matériel, nous en voyons d’autres, comme M. Armand Gautier, qui combattent avec une éloquence vigoureuse et avertie cette prétention. Et que M. Loeb et M. Armand Gautier soient tous deux des physiologistes éminens, et soient complètement d’accord tant qu’il s’agit des faits mis en évidence par la science qui leur doit à tous deux des progrès ; que ces hommes également instruits, prudens et sincères se trouvent tout à coup opposés dans des attitudes contradictoires