Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/706

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette action, qu’on a réussi par des moyens analogues et depuis peu à étendre à des œufs vierges d’autres animaux (Étoiles de mer, Vers, Mollusques) restait mystérieux. C’est pour l’élucider que M. Loeb a effectué ses récentes expériences. Les premières avaient établi que l’élément vivant mâle peut être remplacé dans la fécondation par un agent physico-chimique : une simple concentration de l’eau de mer. Celles-ci tendent à saisir sur le vif comment le spermatozoïde ou son suppléant inanimé provoque le développement de l’œuf.

Dans la fécondation artificielle ou, comme on dit dans le langage technique, dans la parthénogenèse (de παρθένος, vierge) par l’eau de mer surconcentrée, les larves produites s’arrêtaient rapidement dans leur développement, de sorte qu’on n’avait pas une imitation parfaite du phénomène naturel. Voici comment M. Loeb a réussi à le reproduire et à l’analyser exactement. Il a traité les œufs par l’eau de mer additionnée d’un peu d’acide butyrique, qui détermine à la surface de l’œuf une modification se traduisant par la formation de ce qu’on appelle la « membrane de fécondation : » cette première action déclanche le développement de l’œuf, qui pourtant ne tarde pas, dans ces conditions, à s’arrêter, de même qu’il s’arrête lorsqu’on a simplement amené un spermatozoïde au contact de l’œuf (ce qui détermine la formation de la membrane de fécondation), en l’empêchant ensuite de pénétrer dans l’œuf, par exemple par centrifugation, comme l’a fait récemment M. Lillié en opérant sur les œufs de certains vers. Pour certaines espèces, cette première phase de la parthénogenèse, que l’acide butyrique réalise chez l’oursin, peut être produite par des moyens non pas même chimiques, mais purement mécaniques : c’est ainsi que, pour l’Étoile de mer et certains vers, il suffit d’agiter les œufs ; chez la grenouille, il suffit, comme l’a découvert il y a quelque temps M. Bataillon, de piquer l’œuf avec une aiguille. Restait à imiter la seconde et essentielle action du spermatozoïde : celle qu’il produit lorsqu’il a pénétré dans l’œuf et qui amène le développement complet de celui-ci. M. Loeb y a réussi dans le cas des œufs d’oursin en les plongeant pendant un moment après l’action de l’acide butyrique dans une solution hypertonique contenant de l’oxygène.

Et M. Loeb se croit en droit de conclure de ces expériences, dont on voudra bien excuser cet exposé un peu aride à la faveur de l’intérêt puissant qu’elles présentent, que la fertilisation de l’œuf ne résulte pas de je ne sais quel influx vital apporté par l’élément mâle, puisqu’on peut remplacer celui-ci par de vulgaires réactifs physiques ou chimiques.