Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/704

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exclusives des êtres vivans et constituaient une sorte de critérium permettant de différencier les créatures animées des objets inanimés. L’étude des substances cristallines a montré qu’il n’en est rien. On a établi que les solutions concentrées d’un grand nombre de substances minérales se solidifient sous forme de cristaux qui se nourrissent et s’accroissent peu à peu aux dépens de la solution mère, mais que cet accroissement n’est pas indéfini, et qu’il a, comme pour les organismes vivans, une limite au delà de laquelle se forment de nouveaux individus cristallins. Ces analogies entre l’accroissement et la multiplication des cristaux et celle des cellules, ont été récemment poussées très loin et étendues à d’autres objets, en particulier à des substances qui, beaucoup plus que les cristaux, jouent un rôle important dans la chimie des corps vivans : les colloïdes.

Si on verse au fond d’une éprouvette une solution d’une substance cristallisable, telle que le sel marin, le sucre, l’urée, etc., et que l’on achève de remplir lentement le vase avec de l’eau pure, on constate que ces substances diffusent à travers l’eau et atteignent la surface supérieure avec une vitesse qui est du même ordre de grandeur pour ces différens corps. Si on refait la même expérience avec des solutions d’albumine, de Comme, etc., la diffusion se fait avec une vitesse beaucoup moins grande, et cette différence s’accentue encore quand on étudie la vitesse avec laquelle ces corps dialysent à travers du papier parchemin par exemple. Les premières solutions sont dites des solutions vraies, les secondes des solutions colloïdales, dans lesquelles le corps n’est pas réellement dissous, mais suspendu à un état d’extrême division. Certains corps peuvent même, selon la façon dont on les a préparés, fournir indifféremment des solutions colloïdales ou non, et c’est ainsi qu’aujourd’hui la thérapeutique utilise couramment des solutions colloïdales de sels de différens métaux qui, dans leur état habituel, donnent des solutions vraies. Or la substance vivante, le protoplasma, se présente en fait sous la forme de solutions colloïdales, et c’est pourquoi aujourd’hui la physique et la chimie biologique s’identifient de plus en plus à la physique et à la chimie des colloïdes.

Or M. le professeur Stéphane Leduc (de Nantes) a montré récemment, par des expériences fort suggestives, que l’accroissement et la division des colloïdes artificiels de nature inorganique présentent, lorsqu’ils sont placés dans un milieu approprié, des ressemblances singulières avec ceux des organismes vivans. A l’aide de vulgaires solutions de sels inorganiques, tels que le chlorure de sodium, tenant en suspension