Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/703

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les uns et les autres, dans leurs doctrines de la vie, sont au delà des faits, c’est-à-dire font de la métaphysique.

Entre ces systèmes opposés qui devraient logiquement se réconcilier dans l’ignorance comme font parfois, dans un même deuil, deux frères ennemis, (le conflit n’intéresse la science qu’autant qu’il est suggestif d’expérimentations nouvelles.

Pour nous, ce qui seul importe dans les doctrines, c’est leur fécondité, leur valeur stimulante au point de vue du mieux savoir, leur rendement scientifique en un mot. Ne serait-ce qu’à ce point de vue, le matérialisme biologique ne mérite pas les dédains dont certains l’ont accablé. Nous ne parlons pas de ce matérialisme puérilement orgueilleux d’un Hoeckel, qui pense avoir fermé toutes les issues au mystère et croit naïvement qu’il a résolu dès maintenant « les énigmes de l’univers. » Celui-là n’est pas moins funeste à la science que les doctrines qui prétendent arbitrairement tracer des limites à celle-ci et lui crier à tout propos : « Tu n’iras pas plus loin. » Il est aussi néfaste qu’elles, car, en bannissant du monde l’ « inconnu, » par un simple décret d’ailleurs platonique, il tarit le seul stimulant de la recherche scientifique. Mais l’hypothèse matérialiste, telle que le plus grand nombre des biologistes la conçoivent aujourd’hui, et d’après laquelle il n’est aucun des phénomènes vitaux, même les plus élevés, qui ne soit justiciable de l’expérimentation physico-chimique, d’après laquelle il n’en est aucun qu’on ne puisse espérer élucider quelque jour par cette méthode, une telle hypothèse a été, et sera encore utile à la science, car elle est éminemment suggestive d’expériences nouvelles, qui nous apporteront des faits nouveaux. Et, dût-elle finalement faillir à son ambition et voir fuir sans cesse devant ses efforts le but sans cesse reculé, elle n’en aura pas moins mérité de la science, par les faits nouveaux qu’elle aura fait jaillir des laboratoires. Car seul le fait vérifiable enrichit la science. Qu’importe si la cime superbe qui plane là-bas au-dessus des nuages mouvans est inaccessible, pourvu que nous ne la croyons pas telle, pourvu que l’espoir de l’impossible escalade nous fasse marcher vers elle, et que nous découvrions, chemin faisant, les forêts nouvelles pleines de plantes merveilleuses où se drapent ses flancs décevans.

Parmi les fonctions des êtres vivans qui ont paru jusqu’ici les plus réfractaires aux explications physico-chimiques, la génération occupe le premier rang. On a cru longtemps que la faculté de s’accroître et la faculté de se reproduire, qui n’est elle-même, comme l’a montré M. Dastre, qu’une conséquence fatale de la première, étaient des propriétés