Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/692

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

héros, il y eut ses frères, sœurs, beaux-frères et belles-sœurs, qui ont été parfois ses auxiliaires et, plus souvent, tout le contraire : il fallait conduire l’enquête chez ces divers garçons et filles ; et il fallait, au bout du compte, se procurer un quart de siècle de vie française, européenne, le héros ayant assumé en lui la France et puis l’Europe.

Si l’on se figure que, cette époque étant proche de nous, les documens sont à portée de notre main, quelle naïve illusion ! Ils se cachent ; ou bien, en d’autres termes, on les cache. Et M. Frédéric Masson, qui les dépiste, a l’air d’un général de Napoléon, lancé à la poursuite des ennemis. Le voici, au rapport : « Où chercher, où trouver ? En France, rien, ou à peu près, dans les dépôts publics. Un peu plus, guère, au dehors : néanmoins, des pièces importantes aux archives de Russie ou aux archives du Vatican. Les collections particulières ?... « Impénétrables, ou dangereuses. Alors ? « Il est d’autres moyens, pour composer un dossier... De ces moyens, je n’ai négligé aucun et, jusque dans les derniers jours, j’ai vu des pièces nouvelles s’intercaler à leur place et éclairer des parties demeurées dans l’ombre. Jamais la chasse aux papiers n’a été si fructueuse : certains lots sont sortis de cette étonnante loterie où la justice est l’enjeu et j’y ai trouvé tantôt la clef d’énigmes demeurées jusqu’ici insolubles, tantôt le droit d’affirmer ce que j’avais seulement soupçonné. » Toute l’histoire des Napoléonides, Joseph, Lucien, Louis, Jérôme, était, on peut dire, inconnue : M. Masson l’a découverte, éclaireur au galop, qui fouille les coins et les recoins. Possède-t-il, enfin, tout ? Non pas ! Et il le sait ; et il prévoit que des vérités approchent. Il les pressent ; et son regret, dit-il, est grand, de ne pouvoir encore les saisir. Mais quelle chasse il a menée !...

Il se méfiait. Cet éclaireur n’ignorait pas les embûches. Il y a, autour de la vérité, les mensonges ; et, autour d’une vérité que tant de gens redoutent, plus de mensonges. Cet éclaireur, ses documens rapportés, les examine. Et il est alors le critique le plus avisé. Il compare les documens, juge leurs origines, estime leur probabilité, leur bizarrerie ; il appelle les témoins et il les presse de questions auxquelles les plus retors seront pris : le dupeur dupé avoue la fraude. Et lui : « Halte-là ! Le fait est faux ; faux par là même tous les discours auxquels il eût donné lieu, faux les commentaires qu’on en tire ! » A la fin du dixième tome de Napoléon et sa famille, l’appendice consacré aux papiers qui traitent de l’Empereur et de Pauline Borghèse, de leur tendresse abominablement travestie, offre le modèle d’une discussion rigoureuse. Les maîtres de la « méthode » ne discutent pas mieux et