Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/686

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Dans nos âmes aussi nous creusons des tombeaux
A telle passion qui fut charmante ou folle ;
C’est pour trouver trop vite au sépulcre mal clos
La lame descellée, et vide l’alvéole.

La cendre des amours, des orgueils et des fois
Est plus fragile encor que la poudre des rois ;
Seul l’art impérieux domine la mémoire :

Heureux qui, sur les fosses vides de son cœur,
Peut, d’un marbre solide ou d’un style vainqueur.
Bâtir un monument de prière et de gloire !...


LA GLOIRE DES ROSES


I


Lorsqu’elle est lasse, en son ennui, de varier
Les étoffes autour de sa beauté frivole,
La glissante, languide et futile créole
Près de vous va s’étendre et se réfugier,

Roses, de qui, pareille à son front, la corolle
Par tous les vents se laisse alourdir et plier.
Et dont elle préfère au trop amer laurier
Les parfums, sur lesquels son âme éparse vole

Pour retrouver l’odeur des soirs martiniquais.
Les cannes, les ballots de café sur les quais,
Les lins voiliers tournant vers l’Europe leurs proues.

Et jusqu’à ce refrain nègre, aux rythmes ardens.
Qu’un jeune esclave, avec de nostalgiques moues
Sifflait, en découvrant la blancheur de ses dents.