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Ici, pourtant, tremblaient d’espérance ou de crainte
Des cœurs plus que partout audacieux et forts ;
Des bras vifs se tendaient vers l’appât des beaux corps.
Et des tailles ployaient, fragiles, sous l’étreinte...

Où sont les taffetas, les brocarts, les satins,
Les lèvres butinant la fleur rose des teints ?...
Où, les soupirs sortant de gorges peu vêtues ?

Seul, parmi les bosquets rôde et gémit tout bas
Le vent désespéré de baiser des statues
Dont la chair est de marbre et ne frissonne pas.

II


Donc, dans le séculaire et magique domaine
Rien ne survit des corps qui jadis l’ont hanté
Pas un reflet dans l’onde opaque n’est resté ;
Le sol n’a rien gardé de la poussière humaine.

Mais la raison harmonieuse et souveraine
Triomphe ; et sur le parc, rajeuni chaque été,
Luit la même noblesse et la même beauté
Qu’aux jours où Jupiter y courtisait Alcmène.

Dans le vivace accord des eaux, des frondaisons,
De l’immense palais, avec les horizons
Et les cieux asservis à sa majesté vaste

Royalement médite et gravement sourit
Le songe le plus net de grandeur et de faste
Qu’à l’inerte matière ait imposé l’esprit.